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Le véhicule autonome métamorphose la mobilité urbaine – Partie 2/3

2. La transformation du secteur des transports

L’émergence des véhicules autonomes induit une refonte complète de la proposition de valeur des acteurs traditionnels. Elle s’accompagne du développement de nouvelles habitudes de déplacement et d’un rapport différent avec les usagers. Elle questionne le rôle des chauffeurs et remet en cause les business models établis.

A.   Une transformation profonde des métiers

Qu’il s’agisse de transporter des personnes ou des marchandises, l’autonomie des véhicules va remettre en cause le rôle des chauffeurs. Y aura-t-il besoin de quelqu’un pour réaliser une action différente de la conduite ?

1. UNE DISPARITION TOTALE OU RELATIVE DES CHAUFFEURS

Quand les véhicules n’auront plus de volant ni de pédales, les métiers de conduite disparaîtront totalement.

Selon le ministère du commerce américain (août 2017), les emplois les plus menacés par les véhicules autonomes aux Etats-Unis sont dans l’ordre :
– les livreurs longue et moyenne distance
– les chauffeurs de bus scolaires
– les livreurs courte distance (courses par exemple)
– les chauffeurs de taxi
– les chauffeurs de transports publics
– les chauffeurs d’ambulances

Néanmoins, tant que l’autonomie complète ne sera pas déployée, ni autorisée, la présence d’un chauffeur restera indispensable pour s’assurer des bons mouvements du véhicule. Il devra à minima surveiller la conduite et rester disponible en cas d’imprévu pour reprendre le contrôle.

Sur de longues distances, la généralisation du platooning (circulation par convois pour limiter les embouteillages, économiser de l’énergie et maximiser la sécurité) ouvre la porte à une gestion plus globale du transport de marchandises (on peut imaginer un chauffeur par convoi par exemple).

2. PLUS DE CHAUFFEUR MAIS TOUJOURS QUELQU’UN A BORD ?

La mission des « chauffeurs » ne sera plus d’opérer le déplacement d’un point A à un point B, mais de s’assurer des conditions dans lesquelles le déplacement sera effectué : il s’agira davantage d’un rôle d’animation et de coordination que de contrôle et de direction.

Par exemple, dans les transports scolaires, il faudra toujours un adulte pour surveiller les enfants.

Aussi, Lyft, deuxième service de VTC aux Etats-Unis, évoque déjà la possibilité de ne jamais proposer un service 100% autonome car « il restera toujours des actions qui ne pourront être menées que par les humains ». Les besoins des usagers auront toujours une dimension singulière en termes matériels et situationnels comme les besoins spécifiques aux personnes âgées ou à mobilité réduite par exemple.

3. DES MÉTIERS POUSSÉS VERS LA SORTIE… DU VÉHICULE

De nouveaux métiers vont apparaître, d’autres vont évoluer et devront trouver une complémentarité aux machines. L’aménagement du véhicule en fonction de son usage va nécessiter une assistance humaine, tout comme son entretien et son accès dans certaines situations. Être là à certains points d’étape par exemple.

Concernant les livreurs, il y aura toujours besoin de quelqu’un pour assurer la livraison en mains propres ou pour assurer la manutention.

Les futurs métiers s’exerceront aussi à distance L’analyse des données devient incontournable et les métiers de data scientist, statisticien ou spécialiste en robotique mobile accompagnent cette évolution majeure.

B.   Une inévitable transformation des business models

La mise en service de véhicules autonomes nécessite beaucoup d’anticipation et de préparation au niveau stratégique. Les conditions d’exploitation de ce nouveau type de véhicule requièrent un environnement compatible aux aspirations des usagers tout en gardant l’assurance d’un avenir économiquement viable.

1. UN SECTEUR DISRUPTÉ PAR LE NUMÉRIQUE ET LA SHARING ECONOMY…

L’urbanisation grandissante, le niveau de pollution, le temps passé dans les embouteillages, le coût des transports et la montée en puissance de l’économie du partage (sharing economy) matérialisent les enjeux de mobilité à relever des acteurs du transport.

La mobilité de demain reposera sur plusieurs piliers :

  •   –  La fabrication du véhicule (constructeurs + équipementiers)
  •   –  Le hardware (lasers, puces électroniques, capteurs, etc.)
  •   –  Le software (plateformes logicielles)
  •   –  La commercialisation et le service (VTC, autopartage, transports en commun, etc.).

On parle d’ailleurs aujourd’hui de « Mobility As A Service » (MaaS), c’est-à-dire le fait de proposer des solutions de mobilité au-delà de l’unique vente de véhicules. La mission des constructeurs s’élargit donc au service et devenir des « opérateurs de mobilité ».

De nouveaux acteurs ont fait irruption ces dernières années, comme les services de VTC, avec des entreprises comme Uber et Lyft aux Etats-Unis et en Chine. Ces plateformes ne détiennent aucun véhicule mais gèrent d’énormes flottes et proposent un service harmonisé à des millions de clients par jour.

2. QUI OBLIGE LES ACTEURS TRADITIONNELS A SE REINVENTER

Un modèle économique à reconstruire

Le tableau ci-dessous (ministère du commerce américain) montre qu’aux Etats-Unis, les voitures ne sont utilisées en moyenne que 3% du temps. Il y a donc 97% du temps qui n’est pas monétisé. Le constat est donc évident : les voitures sont sous-utilisées.

L’enjeu est donc de les faire rouler en permanence pour monétiser le temps passé à l’intérieur. Nous passons d’un modèle dans lequel l’objectif était de vendre le maximum de voitures à un modèle où la rentabilité s’obtient à la place : plus la voiture est remplie, plus elle est rentable. Le contexte actuel du sharing economy permet justement d’optimiser la recherche géolocalisée d’usagers en temps réel.

Le CTO de Ford déclarait à ce propos en janvier 2017 “The total mobility services could theoretically be as large as our core automotive business […] So it’s not an insignificant opportunity for us.”

Là aussi, les niveaux d’autonomie nuancent cette tendance. Les constructeurs veulent continuer à vendre des véhicules avec davantage d’autonomie aux particuliers (Mais pour des véhicules totalement autonomes, l’idée est de constituer des flottes de taxis ou de les inclure dans des solutions d’autopartage. General Motors, Ford ou Renault-Nissan ont déjà annoncé de telles opérations, ayant pour horizon 2021-2022.

Préparer les véhicules aux nouveaux usages

Les équipementiers ont également un rôle à jouer : la disparition progressive du volant et des pédales va permettre de repenser l’intérieur des véhicules. Nous pouvons notamment citer des entreprises comme Valeo, Faurecia, Continental, Magna, Bosh ou Goodyear.

Aussi, les opérateurs de transports en commun mènent actuellement des opérations de sensibilisation des usagers à la mobilité autonome, en incluant des navettes sans chauffeur dans leurs flottes (comme avec Navy ou Easy Mile).

Enfin, les institutionnels comme l’Etat et les collectivités locales s’impliquent dans la réglementation et la régulation du marché. Des recommandations nationales auprès des acteurs majeurs sont d’ailleurs présentées, comme aux Etats-Unis très récemment.

Ci-dessus, plusieurs acteurs majeurs de cette transformation

L’irruption des véhicules autonomes dans l’industrie automobile repousse les limites de la mobilité. Face aux enjeux modernes, les acteurs traditionnels se réinventent et adaptent leur proposition de valeur face aux nouvelles aspirations des usagers. C’est un nouveau cycle qui s’enclenche et qui produira ce que l’innovation a toujours produit : une destruction créatrice majeure et durable.

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2 thoughts on “Le véhicule autonome métamorphose la mobilité urbaine – Partie 2/3

  1. Bonjour,
    Un point me laisse cependant rêveur : pour concevoir les protocoles de conduite des véhicules et de réactions à toutes sortes de situations, on s’appuie sur l’expérience humaine. Quand plus personne ne conduira, l’expérience disparaîtra, et surtout, il risque de n’y avoir plus d’humains pour apprendre à réagir à de nouvelles situations consécutives aux nouveaux modes de conduite et aux nouvelles interférences à la circulation. À ma connaissance, un logiciel est capable de reproduire ce qu’on lui a appris, voire de l’améliorer en vitesse d’exécution et en précision, mais pas d’inventer des solutions face aux situations inédites. Est-ce pris en considération dans les diverses études?

  2. Bonjour,

    Votre remarque est pertinente. Tout dépend de comment nous considérons l’expérience de la conduite.

    Si elle est « finie », on peut considérer que des simulateurs et les modèles mathématiques peuvent capitaliser sur l’expérience humaine de manière à couvrir tous les champs de possibilités : Anticipation d’un obstacle, partage de la chaussée avec d’autres utilisateurs, accélération, freinage, conduite en cas d’intempéries… Lorsque tout sera couvert, les simulateurs permettront d’alimenter les algorithmes d’apprentissage utilisés dans les voitures , c’est d’ailleurs cette approche que Google propose : http://www.numerama.com/tech/287967-comment-google-booste-lapprentissage-de-ses-voitures-autonomes-grace-a-un-monde-virtuel.html

    Le MIT se pose également la question en capitalisant sur le retour de la communauté : https://www.digitalcorner-wavestone.com/2016/10/voitures-autonomes-partie-2-revolution-annoncee-presente-limites-majeures/

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