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Le transport à Dakar : comment faire beaucoup avec peu de moyens ?

Située sur la presqu’île du Cap-Vert, Dakar est une des plus grandes villes d’Afrique, en pleine croissance démographique. Sa population, qui n’atteignait pas un million d’habitants en 2002, est passée à plus de trois millions en 2013, soit près du quart de la population totale du pays ! Alors que le salaire moyen y est seulement d’environ 165€ par mois, les transports représentent une part non négligeable du budget mensuel des Dakarois. Il s’agit donc d’un sujet majeur dans cette ville qui tente de s’adapter à la croissance qu’elle connaît. Le gouvernement lance des projets de rénovation urbaine, mais ce sont souvent des initiatives privées qui ont le plus de succès.

Des institutions publiques qui souhaitent organiser les transports

Tour d'horizon des actions menées pour les transports dakarois
Bref historique des grands projets des institutions publiques

Le PTB (Petit Train de Banlieue) est l’un des rares moyens de relier Dakar à sa banlieue Nord pour un prix abordable (200 FCFA, soit 0,3€), et est à l’heure actuelle le seul transport ferroviaire. Il est néanmoins vétuste et sous-capacitaire.

Le CETUD, autorité organisatrice des transports, a récemment signé des conventions avec les opérateurs de transport public (voir ci-dessous) pour leur déléguer le service public de transport. Il entend ainsi lutter contre les modes informels (cf. ci-dessous). Il a notamment lancé un programme de reconversion des « cars rapides » en des services formels de minibus gérés par des entreprises privées (par le biais de l’Association de Financement des professionnels du Transport Urbain, ou AFTU). Cependant, les résultats ne sont pour l’instant que peu probants.
Les différents projets mis en œuvre par le CETUD montrent bien que les institutions sont conscientes des problèmes de transport, et l’enchaînement des plans d’actions obéit à une logique claire. Le Programme d’Amélioration de la Mobilité Urbaine a permis une remise à niveau des infrastructures, tandis que le Projet d’Appui au Transport et à la Mobilité Urbaine a fourni des études préparatoires aux grands travaux du Projet de Développement Urbain de Dakar (tramway et bus à haute intensité de service). Le but est d’assurer ainsi leur bonne implémentation.

Cependant, le problème majeur du CETUD et de Dakar reste celui du financement. La participation de l’État du Sénégal aux projets ne suffit généralement pas, ce qui explique que le CETUD ait d’autres partenaires financiers, comme la Banque Mondiale, le Fonds Nordique de Développement, ou encore L’Agence Française de Développement. Par ailleurs, un fonds de développement du transport urbain a été instauré par le CETUD et doit permettre le financement de toutes les infrastructures dans le cadre du transport, mais seul l’État y contribue depuis sa création, ce qui le rend un peu caduc.

Ainsi, les institutions publiques sont conscientes des limites des transports de la capitale sénégalaise. Les infrastructures ne sont pas encore au niveau, et l’offre publique n’est pas assez diversifiée. La conséquence est la part importante prise par les modes informels.

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Des usagers qui ne peuvent pas attendre

Ces modes informels constituent le transport collectif artisanal de Dakar. Celui-ci se définit en opposition au transport public classique, par plusieurs critères :

– l’absence de régulation ;

– des véhicules de capacité intermédiaire (entre la voiture particulière et le bus) ;

– des services plus flexibles ;

– une organisation interne : les modalités d’exploitation des véhicules sont fixées par les chauffeurs.

Le premier de ces modes est le service de « cars rapides ». Ce sont AP_Reportage-CAR-RAPIDEinitialement des véhicules utilitaires Renault qui ont été transformés en transports en commun à leur arrivée au Sénégal vers 1975. Ces « cars rapides », parfois également appelés Ndiaga Ndiaye du nom de l’un de leurs premiers chauffeurs, permettent de transporter de 7 à 32 personnes pour un prix raisonnable (150 FCFA, ou 0,25€). Ils sont souvent surchargés et pris dans des embouteillages, mais restent encore une référence pour les Dakarois. Ce sont souvent des leaders religieux qui contrôlent ces « cars rapides », raison probable pour laquelle un certain nombre d’entre eux refusent toujours d’entrer dans l’AFTU.

L’autre pan du transport artisanal à Dakar sont les « clandos ». Ces taxis clandestins constituent une alternative viable pour les banlieusards qui cherchent à rejoindre le centre de la capitale pour travailler. Si la plupart des chauffeurs possèdent leur véhicule, ce n’est pourtant pas toujours le cas. Parfois le propriétaire possède un ou plusieurs véhicules et s’entend avec des chauffeurs pour partager les gains. Ce n’est cependant pas la situation la plus courante, car elle augmente les risques. En effet, même s’ils sont acceptés par la population, ces « clandos » sont illégaux. Ils préfèrent donc éviter certains axes, et beaucoup se contentent même d’allers-retours entre deux points fixes sur une ligne qu’ils savent rentable.

Passer à la vitesse supérieure

Ces initiatives privées illégales se révèlent plus à même de répondre aux besoins des citoyens que l’offre légale. Il s’agit de solutions qui se situent à mi-chemin entre les VTC (de type UberPOP) et le covoiturage. Elles regroupent en effet des problématiques identiques de régulation et de réponses à l’offre, même si les raisons et les manières de faire diffèrent. Elles ne pourront néanmoins pas régler les problèmes de fond des transports à Dakar, qui a besoin de transformer en profondeur son réseau.

Le tramway de Casablanca, un modèle pour Dakar ?
Le tramway de Casablanca, un modèle pour Dakar ?

En effet, même si les Dakarois réussissent tant bien que mal à contourner le manque de moyens pour proposer des services qui permettent de satisfaire les besoins des habitants, de nombreux gains sont à espérer d’une meilleure gestion et d’un investissement plus important dans des infrastructures. Dakar manque notamment cruellement d’alternatives aux véhicules automobiles polluants, et le projet de tramway représente une avancée positive dans cette optique. À Casablanca par exemple, le tramway mis en service fin 2012 a servi de base pour restructurer la ville, et a permis entre autres l’émergence de voies piétonnes au centre-ville. Cela pourrait permettre de développer les modes doux (vélo et marche à pied), encore trop peu représentés dans la capitale sénégalaise.

Armand Ghedira

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