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Air France : Clap de fin pour l’aventure Joon, quel avenir pour la compagnie ?

Le 10 janvier 2019, le directeur général d’Air France – KLM et les trois syndicats représentatifs des personnels navigants commerciaux (PNC) ont trouvé un accord sur l’absorption de Joon par Air France, treize mois seulement après sa création. Cette annonce officielle vient confirmer les rumeurs qui circulaient depuis cet automne sur l’éventuel abandon de l’exploitation de la compagnie.

Pourquoi cette décision a-t-elle été prise ? Qu’est-ce que cela signifie en termes de stratégie pour Air France ?

Petit rappel : Joon, qu’est-ce que c’est ?

Joon a été créée en 2017 par l’ancien PDG du groupe, Jean-Marc Janaillac.

La feuille de route de la compagnie était, sur le papier, assez simple : permettre de rentabiliser certaines lignes déficitaires d’Air France grâce à des coûts de fonctionnement plus faibles. Le principal poste de dépense sur lequel la compagnie a agi est celui du coût du travail : du personnel a été embauché dans des conditions moins favorables que celles offertes par Air France. Pour ce qui est des autres sources de coûts, comme la maintenance, Joon s’appuyait sur les moyens d’Air France.

D’ailleurs, l’objectif semblait atteint puisque la dernière-née du groupe affiche un taux de remplissage de 90%, avec une hausse de 5% du nombre de passagers transportés sur ces lignes. Les coûts seraient également inférieurs d’environ 13% par rapport à Air France.

Pourquoi Benjamin Smith a-t-il décidé d’arrêter Joon ?

Depuis son arrivée à la tête du groupe, des bruits couraient régulièrement sur le fait que Benjamin Smith ne comprenait pas l’existence de Joon. C’est donc finalement sans grande surprise que l’annonce de l’arrêt de l’exploitation de Joon a été faite le 10 janvier.

Pour justifier sa décision, le Canadien a mis en avant le manque de lisibilité de l’offre d’Air France pour les clients comme pour les salariés. Selon lui, il y a trop de marques au sein du groupe : rien que pour le transport de passagers, on compte KLM, Air France, Air France Hop, KLM CityHopper, Transavia et Joon. Comment assurer que l’identité et le positionnement de chacune sont correctement perçus par les clients ? En mettant fin à Joon, Benjamin Smith souhaite rendre l’offre du groupe plus compréhensible et renforcer la marque Air France.

Par ailleurs, certains dénoncent les conditions de travail subies par le personnel de Joon : rythme des rotations intense, hébergements rustiques durant les rotations et faibles salaires. Les détracteurs de la compagnie expliquent également que les bons chiffres affichés seraient en fait en trompe-l’œil puisque l’essentiel des coûts seraient supportés par Air France.

En contrepartie de la fermeture de Joon, Benjamin Smith espère parvenir à un accord de productivité et d’efficacité avec l’ensemble du personnel d’Air France afin de combler l’écart de rentabilité avec KLM, élément clé pour redresser la compagnie française et apaiser les tensions au sein du groupe.

En ce qui concerne les modalités de reprise, les 600 PNC seront embauchés par Air France au niveau de rémunération de la marque phare mais leur carrière sera ralentie durant trois ans afin d’équilibrer l’accord. Les avions seront également repris par le champion tricolore. Mais, pour limiter les coûts, tous ne seront pas repeints aux couleurs d’Air France : ceux amenés à sortir de la flotte d’ici 3 ans resteront avec le logo Joon d’ici là (ce qui pourrait créer de la confusion dans l’esprit des voyageurs).

Quel avenir pour Air France – KLM ?

Lors de son audition par la Commission d’aménagement du territoire et du développement durable le 16 janvier, le nouveau directeur général a réaffirmé son ambition de faire d’AF – KLM le leader européen et un acteur mondial majeur. Pour cela, Benjamin Smith a précisé le positionnement respectif des compagnies françaises et néerlandaises.

Il a ainsi annoncé vouloir mettre en œuvre chez Air France une stratégie premium en concentrant ses efforts sur les passagers à haute contribution dès l’été prochain. Entendez par là les clients des classes Premium Economy, Business et La Première pour qui, si le projet est validé par les pilotes, le nombre de sièges offerts va augmenter, tandis que le nombre de sièges d’Economy va diminuer. La recette moyenne par passager augmentera logiquement, et donc, par ricochet, la rentabilité globale de la compagnie.

Autrement dit, le nombre de sièges à bord des avions Air France diminuera car les sièges Premium occupent davantage d’espace. Dans les mois à venir, les cabines vont donc normalement être réaménagées et unifiées : en effet, aujourd’hui, leur configuration varie d’un avion à l’autre et plusieurs modèles desservent parfois la même destination.
En parallèle, Air France devra légitimer ce nouveau positionnement auprès de ses clients afin de pérenniser sa stratégie après plusieurs balbutiements ces dernières années.

De son côté, KLM ciblera plutôt la clientèle loisirs. Le nombre de sièges dans ses avions va augmenter avec une place plus importante laissée à la classe Economy. En effet, l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol est saturé et le nombre d’avions en rotation sur cet aéroport ne peut donc pas augmenter. Le seul moyen d’accroitre le nombre de passagers transportés consiste à multiplier les sièges à bord.

 

Grâce à cette nouvelle feuille de route, Benjamin Smith propose de clarifier la stratégie des deux principales compagnies du groupe. Pour autant, ces décisions ne doivent pas faire oublier à Air France que ses coûts d’exploitation trop élevés par rapport à ses concurrents constituent une des raisons majeures de ses difficultés. Espérant qu’en se positionnant sur le segment Premium, la compagnie parviendra à dégager de meilleures recettes et, ainsi, un plus grand bénéfice.

 

 

Gabrielle FAURE

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