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Atterrissage forcé pour les quadriréacteurs

Depuis 2004, les annonces de lancement d’appareils ne s’arrêtent plus chez les deux grands constructeurs, Airbus et Boeing : B787, A350, A330neo, B777x. Ces biréacteurs semblent régner sur le ciel et le marché de demain, mais pourquoi ces lancements ? Alors que les deux géants de l’aéronautique commercialisent toujours leurs super jumbos à 4 moteurs : Airbus n’a toujours pas rentabilisé le programme A380 et Boeing a finalisé il y a peu la modernisation de son 747. Qu’est ce qui explique cette atterrissage forcé des quadriréacteurs et ce vent arrière si favorable aux biréacteurs ?

Les quadriréacteurs, la fin d’un règne

Le Boeing 747

 

Lancé en 1970, le Boeing 747 alias « the queen of the skies », a été le plus gros porteur civil jusqu’à l’arrivée de l’Airbus A380.

Le programme 747 a vu le jour pour répondre à la transformation du transport aérien en transport de masse. Et cela, à une époque où le carburant ne coûtait pas cher et où l’on croyait que le transport aérien de demain serait l’aviation supersonique. Cependant suite au premier choc pétrolier en 1973, l’or noir est devenu beaucoup plus coûteux. C’est un des raisons qui ont stoppé le développement d’un supersonique chez Boeing et qui a empêché la démocratisation du Concorde. Dès lors, le 747 est devenu un avion rentable avec un coût par passager au 100km bas par rapport aux avions long-courriers des autres constructeurs. Le 747 a régné sur le ciel jusque dans les années 2000 avec l’arrivée de l’Airbus A380, qui est devenue plus intéressant à l’exploitation que le 747. Malgré une modernisation du 747 avec la version 747-800, le super jumbo n’a pas réussi à repercer le marché du long-courrier et a vu son succès baisser.

L’Airbus A380

Face au succès du super jumbo de Boeing, le 747-400, et au vieillissement de ce dernier, Airbus a décidé de se lancer sur le segment des quadriréacteurs à double ponts.

Cependant, les ventes de ce bijou de technologie aux proportions titanesques n’ont finalement jamais décollé. Avec 322 commandes nettes fin avril 2017, le consortium européen est loin du seuil de rentabilité du programme annoncé à 420 appareils. En effet, Airbus comptait sur la congestion du ciel et des aéroports pour s’imposer sur le marché du long-courrier. Lors des études préliminaires, Airbus a analysé que le marché du long courrier s’harmonisait sur 24 aéroports à travers le monde. Dans cette perspective, faire voler un très gros porteur devient vite rentable. Sur un Paris-Singapour, un Airbus A380 consomme 3L de kérosène au 100km par passager, versus 3,6L de kérosène au 100km par passager pour le Boeing 747-400. Avec leur capacité respective, pour transporter 3500 passagers sur cette ligne, un 747 fera 10 rotations alors qu’un Airbus A380 seulement 7. L’A380 est donc le plus rentable, il consomme moins, permet de faire moins de rotations et donc de payer moins de taxes aéroportuaires.

Cependant, les prévisions d’Airbus ne se sont pas avérées, en effet, peu de lignes ont été aussi saturées que prévues. De plus, les compagnies préfèrent maintenir une certaine fréquence de vols afin de continuer à séduire une clientèle d’affaires. Ajouté à cela, le géant du ciel a enchainé une série de problème techniques au début de la crise économique en 2008.

C’est finalement Boeing qui a apporté le coup de grâce au 380. En sortant le Boeing 777-300ER (ER extended range), avec 365 places. Les compagnies préfèrent sacrifier la capacité au prix d’une meilleure performance économique : le 777-300ER consommant encore moins au 100km par passager. En effet les prix du brut de pétrole s’était envolé jusqu’à 144$ en juillet 2008. L’arrivée des biréacteurs de nouvelles générations a fini d’achever l’avenir des super jumbos.

Ainsi, Airbus a décidé de réduire la production de ses super jumbos à 1 appareil par mois jusqu’en 2018. Néanmoins le constructeur espère relancer son carnet de commande avec une annonce de dernière minute au Salon du Bourget 2017. Airbus va proposer une nouvelle version de son super jumbo, l’A380plus. L’appareil ne sera pas remotorisé malgré les demandes d’Emirates mais subira des changements structurels. En effet, Airbus prévoit l’ajout de winglets de 5m au bout des ailes, ainsi qu’un ajout de 80 sièges en cabine permettant ainsi de monter en moyenne à 575 places sur une configuration 4 cabines. Cette nouvelle version de l’A380 va permettre une réduction de 4% de la consommation de kérozène et une diminution de 13% du coût par passager.

Cette modernisation en demi-teinte permettra-t-elle d’assurer la rentabilité du carnet de commande ?

 

L’âge d’or des biréacteurs

Pour des raisons de performance opérationnelles, les biréacteurs se taillent désormais la part du lion. Airbus et Boeing ont lancé des appareils nouvelles générations, l’A350 et le B787. Meilleur aérodynamisme, carlingue en fibre de carbone, réacteurs derniers cris etc… Toutefois, ces deux nouveaux appareils sont les derniers nés de la gamme long-courrier des deux constructeurs. Airbus a remporté un franc succès sur le segment moins de 300 passagers avec son A330 lancé en 1994, et Boeing sur le segment plus de 300 passagers avec son B777 lancé en 1995. Fiers de leurs best-seller, Américains et Européens ont décidé de les moderniser : l’A330 va devenir l’A330neo, et le B777 quant lui le 777X. Il serait facile de croire que nous assistions à deux duels : A350 vs B787, et A330neo vs B777X. Cependant, le combat sur le segment long-courrier est un choc générationnel, entre la valeur sure d’hier et la nouvelle génération de demain.

Le segment moins de 300 passagers

Le Boeing 787

Apprenant de l’échec commercial des nouveaux quadriréacteurs, l’avionneur américain Boeing s’est lancé dès 2004 dans la conception d’un avion de moins de 300 places à très grand rayon d’action avec une réduction de 20% de la consommation de kérosène en vue de remplacer son Boeing 767 vieillissant.

Révolutionnaire à son époque, l’avion est composé à 50% de fibre de carbone et sa construction avoisine un taux de sous-traitance de 80%. Victime de son succès, l’avion enregistre 892 commandes par plus de 50 compagnies aériennes avant même son premier vol.

Cependant, en raison d’un taux de sous-traitance si élevé, Boeing enchaîne les retards. Le premier vol devait avoir lieu fin juin 2007, pour une entrée en service en mai 2008. Le premier vol aura finalement 2 ans de retard et plus de 3 ans pour la première livraison. Cette externalisation devait permettre de faire économiser à Boeing environ 5 milliards d’euros au projet, elle va finalement mettre en péril la rentabilité du programme et repoussé le point mort. De plus afin de s’assurer un très gros succès commercial, l’avionneur a offert des réductions très importantes aux premiers clients (38%).

Malgré un succès commercial, les débuts du 787 furent assez houleux, notamment avec une série d’incidents en janvier 2013 qui a cloué toute la flotte des 787 au sol. Cet enchaînement d’incidents, servira à Airbus dans la conception de son A350 afin de produire un avion plus simplement et plus rapidement.

L’Airbus A330neo

Contrairement aux idées reçues, le concurrent européen du Boeing 787, n’est pas le dernier né l’A350, mais bel et bien la modernisation du best-seller long courrier Airbus, l’A330. Annoncé en 2014 au salon aéronautique de Farnborough, l’A330neo se veut être un « 787 killer ». Le consortium européen prévoit une réduction de carburant de 14% par siège par rapport à l’A330 actuel, et un rayon d’action allongé de 750 kilomètres. Pour se faire Airbus a réduit de 800kg la masse totale de l’appareil, augmenté l’envergure des ailes de 3,7m implantant également des winglets en bout d’aile, et surtout une remotorisation avec les Trent 7000 de chez Rolls-Royce. Ainsi, cette nouvelle version de l’A330 possède des coûts opérationnels inférieurs à ceux d’une Boeing 787. Outre cette modernisation technique, Airbus a offert une cure de jeunesse à son appareil avec un réaménagement de la cabine et un système de divertissement en vol de 4e génération (vidéo 3D etc..). Airbus est certes encore loin d’un carnet de commandes du 787 lancé 10 ans auparavant, mais le lancement est un franc succès avec 210 commandes fin 2016.

Le segment plus de 300 passagers

L’Airbus A350

L’appareil dernière génération du constructeur européen a connu une histoire riche en rebondissements avant de finir sur les lignes de production de Toulouse. Initialement le projet d’Airbus (2005) était de concurrencer directement le Boeing 787. Cependant sous-estimant, le constructeur américain qui affichait des ventes en berne la première année, la première version de l’A350 est moins performante que son concurrent. Pouvant ainsi comparer les deux modèles, Airbus se retrouve sur la touche alors que les ventes de Boeing décollent. Le constructeur européen décide alors de revoir sa copie et suspend le programme A350. En décembre 2006, Airbus présente une nouvelle version de son A350, qui devient aussi performante que le 787. Initialement prévue avec 3 versions, A350-800 (280), A350-900 (320 places), A50-1000 (370 places) : la version -800 devait se focaliser sur le segment moins de 300 passagers pour venir concurrencer le 787, mais les ventes de cette version ne décollèrent jamais, et Airbus y mit fin. L’A350 devint donc un concurrent du best-seller long courrier de chez Boeing, le 777. La réponse d’Airbus sur le segment de moins de 300 passagers fut alors l’A330neo.

A noter, que contrairement au Boeing 787 qui a été conçu à partir d’une page blanche, l’A350 a été designé à partir de la coque de l’A330. Ce qui a permis à Airbus de recevoir automatiquement la certification ETOPS : certification permettant à un biréacteur d’utiliser des routes aériennes se situant à plus d’une heure d’un aéroport de secours, dont surtout les parcours océaniques.

La version -1000 du 787 accueillant 323 passagers vient donc se poser en face de l’A350, mais les ventes de cette version sont à la marge (132) dues notamment à une autonomie plus grande de l’A350-900.

Le Boeing 777x

Indéboulonnable depuis 1995 sur le segment biréacteurs plus de 300 places, le 777 peut aussi se vanter d’avoir mis fin aux ambitions d’Airbus et de son A380. Véritable succès commercial, il est le gros porteur le plus vendu de l’histoire de l’aviation avec 1575 commandes et 1329 livraisons.

Ayant dominé le ciel pendant presque 18 ans, le 777 voit arriver son premier nuage avec l’A350. Plus performant, volant plus loin et donc moins cher à l’exploitation que son ainé américain, l’A350 vient renverser la vapeur sur ce segment, forçant ainsi Boeing à réagir.

Et l’avionneur de Seattle a réagi fin 2013 en proposant une modernisation de son best-seller : le 777X. Volant plus loin et pour moins cher que la version classique du 777, Boeing ne se laisse pas faire par Airbus. Le constructeur américain mise aussi beaucoup sur la « marque 777 », gage de qualité avec seulement quatre accidents majeurs à déplorer : deux ne mettant pas en cause l’avion et les deux autres sont encore indéterminés.

De plus, Boeing pousse le challenge encore plus loin avec la version -900 de son 777x qui emportera plus de 400 passagers. Quelle sera la réaction d’Airbus ?

Le monopôle de Boeing sur ce segment prend fin, l’européen Airbus est bien décidé à se tailler sa part du gâteau.

40 ans d’une concurrence acharnée sur le long courrier entre Boeing et Airbus

WilliamHUSCH4RD

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