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[Autonomy] La mobilité urbaine passe à l’heure du numérique

Suite et fin de notre débrief d’Autonomy, le festival de la mobilité urbaine, qui s’est tenu au début du mois d’Octobre à Paris. Après vous avoir exposé la place que tiendront les voitures autonomes et partagées, bardées de technologies, dans la ville de demain, puis les défis logistiques et d’organisation des hubs qui s’y joueront, focalisons nous aujourd’hui sur la nécessaire collaboration entre une multitude d’acteurs pour que la mobilité urbaine soit définitivement un succès.

Une nouvelle ère pour la mobilité urbaine

Le constat fondateur de ces débats sur l’avenir de la mobilité à l’ère du numérique ? L’ère des investissements massifs dans les infrastructures est révolue. Outre un ralentissement global des projets de construction, dû à une situation économique maussade, la fin de cette ère vient aussi et surtout du fait que le réseau de transport existant est aujourd’hui suffisant pour parvenir à la majorité de nos besoins. Ainsi, hormis le Grand Paris et les multiples projets qui l’entourent, les infrastructures ne devraient globalement pas ou peu changer d’ici plusieurs années. Le défi d’aujourd’hui est donc d’accompagner les citoyens dans le report modal, afin d’encourager des mobilités plus durables, et de résoudre les problèmes de pollution et de congestion. Faire changer les comportements en promouvant toujours plus la multimodalité, là est bien l’enjeu d’un secteur de la mobilité urbaine qui commence seulement sa révolution numérique.

Un symbole fort de ce nécessaire changement de paradigme : les Autorités Organisatrices de Transport Urbain sont devenus les Autorités Organisatrices de Mobilité (AOM). Leur rôle est donc clairement de développer des solutions pour étoffer le bouquet de mobilité, en y intégrant de nouveaux acteurs et en promouvant les solutions existantes. La ville de Paris en est un bon exemple, en ayant lancé via l’initiative Paris & Co une plateforme d’innovation portant sur le thème de la Logistique et des Mobilités Urbaines Durables. Autre exemple du dynamisme de Paris en matière de nouvelles mobilités, Anne Hidalgo herself a mis en avant sur son compte Twitter la start-up Felix (issue de l’incubateur Via iD), symbole de ces nouvelles solutions de mobilité durable qui se développent grâce au digital.

Une mobilité urbaine placée sous le signe du numérique

Pour faire évoluer les usages, le numérique peut s’avérer être une arme très efficace. Les comparateurs multimodaux peuvent changer la façon dont on conçoit les déplacements en ville : une simple recherche sur Citymapper, ou autre application du genre, peut changer la vision que l’on avait d’un trajet donné. Les algorithmes nous indiquent en effet un moyen plus rapide, pratique, ou écologique pour se rendre à notre destination, et font ainsi évoluer notre comportement. C’est la notion de « carte mentale » qu’on peut se faire d’une ville qui va ainsi évoluer. À l’échelle collective, les AOM proposent aux entreprises des outils de diagnostic afin d’analyser les moyens de transport utilisés par leurs employés. Des solutions collaboratives et innovantes, plus adaptées à la situation, peuvent alors émerger.

Le numérique permet ainsi de mieux connaître les usages, afin de calquer l’offre sur les attentes réelles. Nicolas Louvet, fondateur du bureau d’études et de recherche 6t, décrit d’ailleurs : « Être ingénieur dans les années 1950, c’était savoir tester la résistance d’un pont. Aujourd’hui, être ingénieur c’est savoir qui va utiliser ce pont ». Autonomy fut ainsi l’occasion pour Netvibes de présenter son Dashboard dédié à la mobilité urbaine, capable d’analyser réseaux sociaux, actualités, blogs et autres informations digitales récoltées sur le Web pour améliorer constamment les services de mobilité. FluiCity mise aussi sur ces remontées en voulant impliquer directement les citoyens. Fondée par Julie de Pimodan, ancienne journaliste et passée par chez Google, la start-up propose aux collectivités une plateforme en ligne d’échanges directs avec les citoyens: « les transports sont un parfait moyen de réengager les citoyens dans la démocratie, car c’est pour eux un sujet très tangible de la vie quotidienne ».

L’Open Data comme tremplin pour casser les silos

Comment parler de mobilité à l’ère du numérique sans évoquer l’Open Data ? Autonomy n’a pas échappé à la règle, et une conférence entière était d’ailleurs dédiée au sujet. Kat Borlongan, co-fondatrice de Five by Five et animatrice de ce panel, a ainsi lancé les débats : « Les villes ont toujours été la meilleure vitrine pour démontrer les bénéfices de l’Open Data, et en particulier dans le domaine du transport ». Les trois projets présentés illustrent bien ses propos.

Tout d’abord, Gilles Betis a pu introduire la plateforme collaborative Catalogue, que Transdev lançait au lendemain de cette conférence, et qui vise à regrouper des jeux de données de multiples sources. Sur un format open source, Catalogue doit permettre à des développeurs et des spécialistes de la donnée de faire émerger des services innovants et à forte valeur ajoutée pour les utilisateurs, ou encore d’aider chercheurs et journalistes en quête de statistiques ou de tendances historiques. Ce genre de plateformes doit ainsi faire la passerelle entre deux mondes différents : celui du numérique et celui du transport.

Elina Baltatzi de l’European Cycling Federation nous a décrit comment les données étaient de plus en plus utilisées par les villes pour développer leur politique de gestion des deux-roues. Des capteurs disséminés dans les rues permettent de mieux modéliser les flux, et donc de mieux orienter les investissements faits dans les infrastructures cyclables. D’ambitieux projets pourraient même permettre d’étudier précisément l’état de la chaussée grâce aux smartphones des cyclistes qui capteraient les vibrations du vélo.

Enfin, Julie Mossler de Waze, a elle expliqué comment l’application était devenue un vrai atout pour les villes, en particulier grâce au Waze Connected Citizen Program. Celui-ci permet aux villes de se doter d’une plateforme d’échanges sur les informations routières : d’un côté, les utilisateurs remontent des défauts (nids de poule…) qui sont directement communiqués aux services concernés. De l’autre, les villes peuvent communiquer plus rapidement sur les éventuelles fermetures de route. Pour cela, Waze a dû créer un standard informatique pour décrire ces événements de manière universelle (à la manière du GTFS pour les transports en commun). Autre exemple pour illustrer la collaboration fructueuse entre Waze et les collectivités : les services de secours ayant signé un partenariat avec Waze aux Etats-Unis gagnent 4 minutes en moyenne sur leur heure d’arrivée au site d’intervention. Ce sont donc littéralement des vies qui sont sauvées grâce à ces efforts.

Le mot de conclusion sur cette partie Open Data fut ainsi de dire qu’il ne fallait pas raisonner en termes de coût de l’ouverture des données, mais plutôt réfléchir à la valeur créée et essayer de mesurer les gains qu’elle apporte. Rapprocher le monde du transport et celui du digital par des partenariats forts et durables peut permettre une réelle amélioration de la qualité de service.

Autonomy mobilité urbaine
Elina Baltatzi, Gilles Betis, Julie Mossler et Kat Borlongan lors de la table ronde « Open data to open the roads »

Le maître mot d’Autonomy ? La collaboration !

Pour organiser la mobilité de demain, la ville doit inévitablement contraindre l’utilisation de la voiture. Strasbourg, Lyon, Nantes… Nombreuses sont les villes qui multiplient les zones piétonnes ou à circulation limitée afin de redynamiser leur centre-ville. La décision récente d’Anne Hidalgo de piétonniser les voies sur berge en est un autre exemple phare. En contrepartie, les villes doivent, on l’a dit, faire le nécessaire pour étoffer et promouvoir le bouquet de mobilité qu’elles offrent à leurs citoyens. Une collaboration accrue entre les villes et les offreurs privés de transport est donc capitale pour réussir la transition vers une mobilité durable.

Construire la mobilité de demain, en passant d’une politique de l’offre à une politique de l’usage, nécessitera donc une étroite collaboration entre des acteurs très variés. Les premiers effets du numérique se font cependant déjà sentir, car en 10 ans, la part des voyageurs « comparateurs » (qui étudient les différentes solutions de mobilité qui s’offrent à eux) est passée de 11% à 29%. Ces effets doivent être accentués afin de conquérir toujours plus de citoyens, et ce sous l’encadrement d’établissements publics. Le grand risque sous-jacent à ces problématiques est que le Big Player de la mobilité de demain soit un acteur privé, auquel cas un réel décalage de niveau de service apparaîtrait entre les villes et les zones moins denses.

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