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Le sport automobile : Laboratoire des nouvelles technologies

Il existe depuis toujours une proximité entre l’industrie et le sport automobile. La Fédération Internationale de l’Automobile affiche clairement une volonté de développer aux seins des différentes catégories, de nouvelles technologies plus respectueuses de l’environnement. L’organisation des assises de l’automobile 2019 qui a rassemblé au Mans des constructeurs, des énergéticiens et des grands acteurs du sport automobile est un exemple concret des liens qui existent entre compétition et industrie.

Ainsi, il est maintenant fréquent de trouver chez les équipes de sport automobile un département dédié à l’application de technologies de compétition sur des véhicules de tourisme. Par exemple, l’écurie de Formule 1 McLaren possède un département Applied Technologies qui profite du développement des départements de course pour retranscrire sur leurs hypercars (les voitures de tourisme sportives) les innovations utilisées en course.

Nous proposons dans cet article d’apporter un peu plus de précision sur le lien entre industrie et sport automobile en présentant trois catégories :

  • La Formule 1, qui s’oriente de plus en plus vers une économie d’énergie et une motorisation moins polluante
  • La Formula E, seule catégorie totalement électrique qui sert au développement des voitures de tourisme grand public
  • Et enfin les prototypes des 24h du Mans, qui sont considérés par beaucoup de constructeurs et de spécialistes comme les voitures les plus abouties technologiquement et les plus en liens avec les contraintes du marché

La Formule 1, la vitrine du sport automobile…

La Formule 1 se positionne comme le pinacle du sport automobile. Les meilleurs pilotes y concourent et la médiatisation de cette catégorie se développe encore aujourd’hui, le grand prix de Monaco étant un des évènements sportifs les plus vus à la télévision.

Néanmoins, il s’agit d’un investissement trop important pour les équipes et en particulier pour les grands constructeurs pour justifier une simple opération de communication auprès du grand public. Les différents concurrents participent à l’élaboration du règlement afin de s’assurer que leur engagement impactera également leurs véhicules de tous les jours. C’est ainsi que la Formule 1 a vu son règlement être modifié afin que les voitures se parent de moteurs hybrides à la technologie de pointe. Récupération d’énergie au freinage et des gaz d’échappements, mise en place de deux moteurs électriques et limitation de la consommation sont autant d’exemples de systèmes conçus pour une motorisation plus propre.  Les nouveaux moteurs six cylindres turbocompressés représentent une avancée majeure qui sert aux constructeurs (Renault, Honda, Mercedes et Ferrari / Alfa Roméo) dans le développement de leurs voitures de tourisme. Les anciennes motorisations V8 et V12 étant considérées comme trop éloignées des véhicules commercialisés.

… Mais aussi un laboratoire de développement

Ainsi, au-delà de la récupération d’énergie cinétique basique visant à rendre le moteur générateur* durant les phases de freinages, les monoplaces de Formule 1 utilisent l’énergie des gaz d’échappement pour permettre à une turbine de créer de l’énergie électrique qui peut être stocké dans la batterie.

Mais la Formule 1, afin de préserver le spectacle en piste, avec des vitesses affolantes (375km/h en vitesse de pointe) et pour garder les meilleurs pilotes de la planète, rechigne à développer un règlement plus en accord avec les grands changements annoncés du marché automobile. Ainsi, les moteurs, bien qu’hybrides et turbocompressés, ne vont pas dans le sens d’une électrification complète du véhicule contrairement à la Formula E.

*un moteur électrique peut être moteur ou générateur. Lorsque sa rotation est limitée par le véhicule, le moteur est capable de récupérer l’énergie pour la transmettre ensuite aux autres organes de puissance

La Formula E, des développements au plus près du marché

Nous avons assisté il y a maintenant quatre ans à la création d’un championnat rassemblant des monoplaces électriques : la Formula E. Ce championnat voit ses courses se disputer dans les plus grandes capitales mondiales (Paris, Londres, Hong-Kong…) attirant de plus en plus de pilotes talentueux et des marques automobiles de premier plan (DS, Audi, Jaguar, BMW…). Cette discipline permet d’améliorer les batteries, d’optimiser la transmission et la motorisation ainsi que de développer la récupération d’énergie. Ce sont donc autant d’évolutions qui profiteront ensuite aux véhicules de tourisme.

Formula E en course à Paris

La Formula E développe de nouvelles technologies de traction et de stockage d’énergie électrique qui peuvent être directement adaptées au marché automobile. Après quatre ans de championnat, la 2ème génération de monoplace a vu son autonomie doublée – passant de 28kWh à 52kWh – et son moteur gagner 20 kW (27ch). L’arrivée du système de récupération d’énergie au freinage sur les roues arrières (inspiré de la Formule 1) est une petite révolution : il permet la récupération d’énergie cinétique directement sur les roues arrières en utilisant le frein « moteur » en appuie du système de freinage hydraulique.

Cette catégorie témoigne donc bien de l’avancée des différents constructeurs dans l’amélioration de la gestion de l’énergie et dans le développement du stockage. On peut l’observer directement avec l’amélioration des performances des Nissan Leaf et Renault Zoé qui profitent du développement de l’équipe Renault/Nissan Dams.

Dans cette catégorie, la gestion de l’énergie est primordiale. Ainsi, les équipes améliorent sans cesse les Battery Management System (BMS) que l’on retrouve également dans nos voitures de séries. Ils permettent de réguler les flux entre la batterie, le système de traction et les systèmes de récupération d’énergie. Ainsi, grâce au développement fourni par les constructeurs en sport automobile, la gestion des batteries s’améliore année après année, prenant en compte de plus en plus de paramètres (température, refroidissement, état de la route…).

Le développement s’opère également au niveau des fournisseurs, avec la conception par Michelin en 2016 d’un pneumatique de compétition qui peut s’utiliser aussi bien sur piste sèche que sous la pluie. Ce pneumatique allégé, permet de réduire les frottements et d’optimiser l’énergie que dépense la monoplace.

Les 24h du Mans, un laboratoire historique

Imaginez une course de bolides lancés à plus de 300km/h pendant 24h, et poussés jusque dans leurs extrêmes limites: ce sont les 24h du Mans.
Cette course mythique est organisée au mois de juin depuis 1923 par l’ACO. L’Automobile Club de l’Ouest cherche sans cesse à pousser les constructeurs à améliorer les performances de leurs prototypes en se positionnant à l’avant-garde de l’innovation depuis un siècle. Par exemple, en 1932, la ligne droite des Hunaudières est décrétée « laboratoire national » par les Ponts et chaussées et en 1933, la ligne médiane des routes françaises y est testée.

C’est à travers son Règlement Technique toujours plus exigeant que l’ACO fixe le cahier des charges des voitures qui pourront concourir aux 24h du Mans. Depuis 2012, l’ACO a poussé les constructeurs à développer leur efficacité énergétique afin de réduire leur consommation pour mieux s’insérer dans un monde où nous avons conscience que le moteur à explosion est polluant et fait intervenir des énergies fossiles qui ne sont pas infinies. Pour répondre aux exigences de l’ACO, les constructeurs ont petit à petit mis au point des prototypes hybrides, qui associent leur motorisation thermique à une motorisation électrique.

Ces prototypes embarquent un système de récupération d’énergie (ERS pour Energy Recovery System) qui permet de la récupérer lorsqu’elle est dissipée en phase de freinage, de la convertir en électricité, et de la stocker dans des batteries. L’énergie électrique stockée est ensuite réutilisée lors des phases d’accélération permettant d’apporter un gain de puissance significatif.
Les performances et la fiabilité de ces prototypes hybrides ont permis de démontrer leur réel potentiel. Ces technologies ont été adaptées aux voitures de tourisme et l’hybride est devenu en moins de 10 ans omniprésent dans les concessions automobiles. De plus, les dispositifs de récupération d’énergie sont eux aussi utilisés sur les véhicules de série, et notamment sur les véhicules électriques, qui souffrent de leur manque d’autonomie. Audi, triple vainqueur des 24h du Mans avec un prototype hybride, estime que la récupération d’énergie permettra de gagner 30% d’autonomie sur son SUV électrique e-tron.

La course des 24h du Mans débutant le samedi à 15h, les voitures doivent rouler toute la nuit et par conséquent pouvoir éclairer la route de manière satisfaisante. En 2011, la course a vu sa première voiture équipée de phares à LED illuminer la nuit. Les phares LED présentent de nombreux avantages pour l’automobile car ils éclairent mieux que des phares « classiques », en consommant moins d’énergie et en occupant moins d’espace. Ces phares sont aujourd’hui utilisés sur la majorité des véhicules de série pour leurs qualités démontrées en course. Les phares LED ont un autre avantage, ils permettent aussi de dessiner une identité visuelle lumineuse devenue très importante pour l’image des marques. C’est pourquoi de plus en plus de modèles allument par défaut une partie de leur éclairage, leur permettant de diffuser leur identité lumineuse.

Par exemple on peut citer le principe des quatre points de Porsche, ou encore les deux « C » de Renault.

En 2018, l’ACO a décidé de lancer une nouvelle révolution au sein des 24h du Mans, à savoir d’introduire une catégorie de voitures hydrogène lors de la course de 2024. Cette initiative montre combien l’ACO est constamment tourné vers le futur comme le disait son président Pierre Fillon: « Nous croyons en l’hydrogène, comme nous avions cru à l’hybride […] Aujourd’hui, les voitures hybrides sont bien présentes sur toutes les routes. » Les véhicules équipés de pile à combustible utilisent la réaction entre l’hydrogène et l’oxygène pour produire de l’électricité. Ils ne polluent pas puisqu’ils rejettent seulement de l’eau. Néanmoins, produire l’hydrogène est aujourd’hui très couteux en énergie c’est pourquoi il y a peu de modèles commercialisés. C’est pourquoi de nouveaux processus de production sont en train d’être mis au point pour que cette production nécessite moins d’énergie dans le futur.

Bien que moins médiatisé que le véhicule électrique, la voiture hydrogène est aussi une alternative au futur, à plus long terme, de l’automobile.

Alors quoi de mieux que de lancer cette technologie dans l’enfer d’une course de 24h menée à pleine vitesse pour démontrer son potentiel et pousser les industriels à innover ?

Mission H24

C’est le pari que s’est lancé l’ACO avec sa Mission H24 (ci-dessus) qui vise à « permettre d’accélérer le développement et la recherche » sur la propulsion hydrogène. Le premier prototype est déjà fonctionnel et il a effectué ses premiers tours sur le circuit des 24h le 28 mars dernier au cours des Assises de l’Automobile devant un ensemble de professionnels et d’industriels du secteur.

 

Des développements qui sont appliqués dans les véhicules de tourisme

Depuis 1950 et le commencement des courses automobiles, les constructeurs appliquent sur leurs modèles les nouvelles technologies développées. Ainsi, nous avons vu apparaitre les freins à disques, les suspensions actives, les commandes au volant, l’ABS ou le développement du moteur diesel. Alors que les défis de l’époque portaient principalement sur le confort du véhicule ou ses performances dynamiques, les constructeurs font face aujourd’hui à des normes antipollution de plus en plus drastiques. Ils ont alors eux-mêmes formulés le souhait de pouvoir améliorer les différentes motorisations dans leurs programmes de compétition.

Le dynamisme et la réactivité du sport automobile, servent d’accélérateurs de développement pour les équipes de recherche et apporteront à l’avenir de nombreuses innovations que nous retrouverons dans nos véhicules de séries.

 

Sources :

https://www.la-croix.com/Sport/bonne-formule-course-automobile-electrique-2018-04-28-1200935132
https://lesclesdedemain.lemonde.fr/point-de-vue-influenceur/-transformer-quelques-secondes-en-un-temps-infini-_a-94-5703.html
https://www.numerama.com/tech/347534-en-2017-facebook-a-double-le-budget-de-sa-com-de-crise-en-europe.html
https://fr.motor1.com/news/302723/la-formule-e-accelerateur-de-rd-chez-ds/
https://www.lemans.org/fr/news/les-24-heures-du-mans-la-course-a-l-innovation/49144
https://www.lemans.org/fr/page/categories/105
https://www.caradisiac.com/audi-e-tron-30-d-autonomie-grace-a-la-recuperation-d-energie-170222.htm
https://www.autohebdo.fr/wec/actualites/l-aco-se-tourne-vers-l-hydrogene-avec-sa-mission-h24-197706.html

Antoine TROCHON

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