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Le train de nuit sort de son sommeil

Poussés vers la sortie au début des années 2000, les trains de nuit font progressivement leur retour en France et en Europe. Fruit d’un partenariat entre quatre compagnies ferroviaires européennes, 6 nouvelles lignes internationales vont être rouvertes à partir de décembre 2021, dont deux au départ de Paris. La SNCF a par ailleurs annoncé l’ouverture de deux nouvelles lignes domestiques d’ici 2022.

 

Le train de nuit n’avait finalement pas dit son dernier mot. Au début des années 2000, l’avènement des avions low-cost, du train à grande vitesse et la baisse globale des prix des transport ont poussé les voyageurs à se désintéresser des trains de nuit.

Le défi logistique de faire rouler des trains de nuit sur des réseaux opérés par différents gestionnaires (avec chacun leurs règles d’exploitation et normes techniques), le coût opérationnel lié au caractère nocturne de cette activité ou encore la faible rentabilité par voyageur sont autant d’éléments qui ont poussé les opérateurs ferroviaires à délaisser les liaisons nocturnes.

La baisse de l’offre de trains de nuit a achevé de faire baisser la demande des usagers.

Le retour du train de nuit transfrontalier au départ de Paris

En décembre dernier, quatre opérateurs ferroviaires européens ont conclu un accord pour proposer une nouvelle offre de train de nuit à travers des grandes villes d’Europe : la SNCF, ÖBB (Autriche), Deutsche Bahn (Allemagne) et CFF (Suisse). En tout, ce ne sont pas moins de six lignes qui seront opérationnelles d’ici 4 ans, et qui desserviront les grandes villes de plusieurs pays européens.

Source : twitter, Alain Krakovitch

Les trains de nuit seront opérés par NightJet, la filiale d’ÖBB dédiée aux trains de nuit.

L’offre aux usagers sur les six nouvelles lignes annoncées devrait être similaire à celle déjà proposée par Nightjet. La marque autrichienne offre plusieurs types de cabines et services associés. Trois niveaux de confort sont proposés : places assises, couchettes simples ou couchettes luxueuses. Des draps, oreillers et couvertures sont fournis quelque soit le type d’accommodation choisi, ainsi qu’un petit déjeuner « fraîchement préparé ».

En plus des services présents à bord, les usagers ont la possibilité de faire transporter leur voiture et d’utiliser un service de transport de bagages « porte à porte ».

Le cas particulier d’ÖBB

Si la suppression des liaisons de nuit en Europe était la tendance de ces dernières années, l’opérateur autrichien, prenant le contre-pied de ses voisins européens, a investi dans son réseau et proposé de nouvelles offres pour devenir un leader sur ce segment. L’opérateur ferroviaire autrichien, par le biais de sa filiale NightJet dédiée aux trains de nuit, gère seul ou en partenariat 19 liaisons de nuit en Europe, et a pour objectif d’en atteindre 26 très prochainement. Une direction stratégique qui porte ses fruits puisqu’aujourd’hui il est la véritable locomotive du projet.

L’aventure autrichienne débute véritablement en 2016, lorsque la Deutsche Bahn décide de se désengager de cette activité jugée non rentable. L’opérateur autrichien décide alors de racheter les trains à bon prix et de conserver 60% des liaisons opérées par l’opérateur allemand. Depuis, l’offre n’a cessé d’évoluer avec l’achat et l’aménagement de nouvelles rames, ainsi que de nouvelles liaisons. En 2018, avant le Covid-19, 1,4 millions de passagers ont transité à bord de ses trains de nuit.

La Finlande, la Suède et le Royaume-Uni sont d’autres pays européens ayant également relevé ce défi.

Source : Nightjet.com

En France, deux nouvelles lignes vont venir compléter les deux liaisons nocturnes restantes

En France, le train de nuit ne compte aujourd’hui que deux lignes opérationnelles : Paris-Briançon dans les Hautes-Alpes, et Paris-Latour de Carole, via Rodez, qui permet de relier la capitale à la région des Pyrénées.

En 2016, à la suite de l’arrêt des subventions de l’Etat, 4 des 8 dernières liaisons Intercités de nuit sont abandonnées. Ni les régions concernées, ni quelconque opérateur privé n’ont souhaité les reprendre ou les financer. En 2017, deux autres liaisons sont abandonnées, laissant aux usagers les deux lignes existantes aujourd’hui.

La motivation de l’arrêt des liaisons de nuit était avant tout financière : elles représentaitent 3% des passagers transportés, mais un quart des déficits des trains Intercités, « plus de 100€ de subvention publique » par billet vendu selon le secrétaire d’Etat aux Transports de l’époque, Alain Vidalies.

Source : franceinfo

 

En 2020, le ministre délégué aux transports Jean-Baptiste Djebbari détaille la feuille de route du gouvernement concernant la réhabilitation des trains de nuit en France : 100 millions d’euros seront utilisés pour renouveler le matériel nécessaire à faire rouler les trains de nuit. Deux liaisons nocturnes seront rouvertes, le Paris-Nice et le Paris-Tarbes-Hendaye. Il y aura donc 4 liaisons nocturnes d’ici 2022. Cette annonce fait écho à celle du président français, deux mois auparavant.

Fait intéressant, la SNCF envisage de se tourner vers les chemins de fer autrichiens pour le rachat ou la location de matériel, selon son président Jean-Pierre Farandou.

Pourquoi maintenant ?  

Le train de nuit bénéficie d’une image particulière pour les usagers. Si ces derniers sont nostalgiques de ce mode de transport quasi-romantique à bord duquel une part plus importante est laissée au voyage et au fait de prendre son temps, d’autres avancent des arguments plus « pratiques ».

Parmi eux, l’écologie revient régulièrement comme un point non négligeable. Le train de nuit se pose alors comme une alternative moins énergivore et polluante face aux autres moyens de transport, notamment à l’avion. Argument non négligeable compte tenu des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 pour les pays européens. Pour relier Paris à Berlin, le train serait cinq fois moins polluant que l’avion et quatre fois moins que la voiture.

Source : Ecopassenger

Les trains de nuit peuvent également compter sur le phénomène du « flygskam » ou « flight shame », littéralement « la honte de prendre l’avion », observé en Europe et aux Etats Unis. Ce dernier témoigne d’une prise de conscience environnementale collective qui pourrait profiter au train de nuit.

Arriver reposé à destination, économiser une nuit d’hôtel ou une journée de voyage sont d’autres arguments avancés par ses supporters. Parmi eux, l’argument économique explique notamment que nombreux sont les jeunes à plébisciter ce mode de transport.

Les trains de nuits sont une alternative séduisante pour les usagers à budget limité. En moyenne, pour un Paris-Toulouse à 59 euros, une personne économiserai environ 116 euros à 136 euros en optant pour le train de nuit plutôt que l’avion (sans compter l’éventuelle nuit d’hôtel économisée) et environ 27 euros en choisissant le train de nuit plutôt que la voiture.

Nombreux sont les éléments en faveur du retour du train de nuit. Si ce dernier avait inexorablement disparu de nos gares à la faveur de l’avion low-cost et du train à grande vitesse, il amorce un retour progressif, répondant à des considérations nouvelles. Les aspects écologique et budgétaire sont sans doute les plus déterminants pour ses défenseurs.

En Europe, la coopération entre les 4 opérateurs ferroviaires renforce l’unité du système ferroviaire européen. En France, l’épineux sujet du financement de cette remise en service subsiste néanmoins. Bien que l’Etat subventionne à 50% le fonctionnement des lignes de nuit et se soit engagé à investir plus de 30 millions d’euros pour rénover les deux lignes existantes, les trains de nuit coûtent cher. Espérons que les usagers et nostalgiques du train de nuit soient au rendez-vous.

 

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Sources de l’article :

Tristan SILVE

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