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Urban Mobility Day 2018 : “Mobility as a Service: quelles perspectives et avantages pour la ville de demain ?”

L’équipe de Transport Shaker s’est rendue à l’événement Urban Mobility Talks organisé par Stuart dans les locaux du BCG à Paris le 12 juin dernier. Nous avons assisté à la table ronde sur “Mobility as a service : quelles perspectives et avantages pour la mobilité de demain ?” avec l’intervention de Maureen Houel, General Manager de COUP, Quentin Lestavel, Country Manager France et Belgique de Drivy, Laurent Kennel, Country Manager France de Ofo, Damien Bon, CEO de Stuart, Jérome Marty, Country Manager France de Waze et animée par Nicolas Breuil, Global PR et Marketing de Stuart.

Ces différents acteurs ont échangé sur leur point de vue de la mobilité de demain et du Mobility as a service. Il est important de noter que nous étions uniquement en présence d’acteurs technologiques et privés dont la force réside notamment dans la qualité de leur application web ou mobile.

Les acteurs privés de la nouvelle mobilité en France sont-ils prêts au lancement d’une offre MaaS ?

Des facteurs clés de succès de l’expérience utilisateur proches d’un acteur à l’autre

Un impact sociétal et environnemental

Ces acteurs s’inscrivent dans la tendance d’une mobilité plus propre. En effet, neuf personnes sur dix dans le monde respirent un air trop pollué. Il y a donc un enjeu à ce que la mobilité de demain soit plus propre que celle d’aujourd’hui et cela passe notamment par des solutions électriques et/ou partagées, qui permettent de réduire le nombre de véhicules en circulation.

Mais, au-delà de la réduction de la pollution générée par les transports, il est aussi possible de compenser l’impact environnemental de la mobilité avec des solutions naturelles, les arbres. C’est ce que propose la start-up Reforest’Action, présente à la conférence. Les arbres sont des filtres à particules, des générateurs d’oxygène, des pompes à CO2, qui contribuent à l’amélioration de la qualité de l’air.

Les solutions de mobilité apportées par ces acteurs privés ont également des impacts sociétaux. En sachant qu’une voiture partagée remplace entre six et dix voitures individuelles et libère neuf places de parking, nous comprenons que les nouvelles solutions de mobilité ont un impact direct sur le fonctionnement des villes. Toutefois, leurs offres ne s’adressent pas à toutes les municipalités : la densité urbaine étant l’une des clefs de la rentabilité du business model de ces acteurs, ces derniers s’intéressent essentiellement aux grandes villes, marquant ainsi une distinction avec les zones périurbaines et rurales. Parmi ceux présents à la conférence, Waze fait figure d’exception dans la mesure où 70% de ses utilisateurs n’habitent pas Paris. Mais cela s’explique par la nature de son activité.

Sociologiquement, notons que les utilisateurs des services présentés ce jour-là sont principalement des personnes entre vingt-cinq et trente-cinq ans, avec un profil catégorie socio-professionnelle supérieure. Ce sont des digital natives, ouverts à ces nouveaux modes de mobilité. Cette génération souhaite avoir le choix et sélectionner la meilleure solution de mobilité à un instant donné : elle est prête à changer d’un jour à l’autre le moyen de transport employé en fonction du contexte du moment. Mais, là aussi, Waze se distingue des autres acteurs présents puisque les plus de cinquante ans représentent environ 35% de ses utilisateurs.

Les relations entre acteurs privés et pouvoirs publics : un élément déterminant pour l’avenir des acteurs du MaaS

La mobilité, historiquement pilotée par les pouvoirs publics, est transformée par l’arrivée de nouveaux acteurs, à l’image de Coup, Ofo ou Drivy. Les modes de communication entre les différentes parties prenantes doivent donc évoluer pour s’adapter aux changements du paysage urbain. L’organisation de ce type de conférence, espace de partage entre les acteurs invités, en est d’ailleurs l’illustration.

Les échanges entre pouvoirs publics et nouveaux acteurs de la mobilité s’appuient tout d’abord sur le partage mutuel de données. Ces derniers récoltent en effet de nombreuses informations sur les habitudes des usagers qui peuvent être intéressantes pour les autorités. Réciproquement, celles-ci peuvent prévenir et collaborer lors de l’organisation d’événements de grande envergure pour anticiper au mieux l’afflux d’usagers et la disponibilité des ressources. C’est ainsi que la ville de Rio a travaillé avec Waze lors de l’organisation des Jeux Olympiques de 2016 pour adapter les itinéraires recommandés et désengorger ainsi certains axes routiers.

De façon plus générale, il est dans l’intérêt de ces acteurs privés de travailler avec les pouvoirs publics pour être intégrés dans les réflexions sur la mobilité de demain et défendre leur place dans l’organisation de l’espace urbain.

Nous pouvons faire le lien avec les récentes actualités et l’accord signé le 27 juin entre la Mairie de Paris et quatre acteurs de la mobilité (Cityscoot, Coop, Mobike et Ofo), vont dans ce sens. En effet, l’objectif de cet accord est d’encadrer les offres proposées en s’engageant sur la maintenance, la régulation, des standards de qualité ainsi que le partage de données. Il constitue à ce titre un premier pas vers le développement d’une offre MaaS.

Du côté des mairies, l’arrivée de ces nouvelles formes de mobilité présente des avantages. En proposant de nouveaux moyens de déplacements aux citoyens, partagés et souvent plus propres, ils contribuent à la décongestion des centres-villes et à l’amélioration de la qualité de l’air. Les solutions en free-floating limitent aussi l’investissement dans les infrastructures, élément bien accueilli par certaines mairies, même si l’occupation parfois désordonnée de l’espace urbain présente d’autres inconvénients.

Toutefois, les attentes des start-ups à leur égard sont grandes. Certaines d’entre elles aimeraient que les pouvoirs publics poussent le développement des nouveaux usages collaboratifs et insufflent le changement de mentalité auprès des citoyens, par le biais d’actions de communication ou d’aides financières pour encourager les citoyens à utiliser ces nouvelles mobilités, à l’image de la région Ile-de-France pour le covoiturage urbain. Pour Maureen Houel, General Manager de COUP à Paris, « il y a une peur du changement, une peur de la nouveauté. Il y a un énorme enjeu de pédagogie ».

Par ailleurs, le développement des échanges entre acteurs privés et publics soulève encore des enjeux. Le premier est d’accroître la capacité des villes à interpréter les données partagées. Le second consiste à développer l’appétence des pouvoirs publics pour les start-ups de la mobilité de demain : celle-ci varie beaucoup d’une ville à l’autre car il s’agit d’un univers nouveau, celui des services de mobilité non subventionnés. De plus, l’horizon temporel d’une start-up est bien plus court que celui des acteurs publics, ce qui peut créer un décalage : les villes ont parfois peu confiance dans des start-ups qui se projettent à un ou deux ans alors qu’elles souhaitent développer une vision sur cinq ans par exemple.

Vers une agrégation des offres et l’avènement du MaaS ?

L’avènement d’une offre MaaS ne semble pas si lointain. Pour Nicolas Breuil, « les transports publics doivent rester la colonne vertébrale mais on peut agréger autour toutes les autres propositions » et chacun des acteurs présents pourrait s’inscrire dans cette offre plus globale.

Certaines initiatives sont assez avancées telles que des applications comme Whim à Helsinki ou même Citymapper à Londres. Cependant, si l’on souhaite agréger l’offre de transport existante, il reste un pas à franchir et pas le moindre. L’enjeu en effet est de définir un business model pour l’application d’agrégation des services permettant à chaque acteur de s’y retrouver et donc d’avoir un intérêt à figurer dans cet agrégateur.

Les acteurs privés de la nouvelle mobilité ne semblent pas si enthousiastes à l’idée de se fondre derrière un agrégateur. En effet le principal élément différenciant de ces acteurs est leur application web ou mobile et leurs utilisateurs sont souvent séduits en premier lieu par la fluidité et l’efficacité de l’expérience proposée. Certains acteurs craignent également de devenir dépendant d’un agrégateur trop fort qui pourrait jouer sur la concurrence entre des offres de mobilités similaires.

L’initiative MaaS a donc peu de chance de venir de ces acteurs mais s’imposera peut-être à eux par le biais d’un acteur public comme les autorités organisatrices du transport (AOT) ou d’un intégrateur privé.

En revanche, pour le BCG, la régulation, la coordination et le partage des données sont nécessaires pour voir apparaître une offre MaaS de qualité. Si chaque acteur travaille de son côté sur le MaaS, il y aura peu de retour sur investissement.

Conclusion

Le paysage des nouvelles mobilités évolue très rapidement à Paris. On a pu le voir d’ailleurs très récemment avec l’arrêt annoncé d’Autolib ou bien encore l’apparition des trottinettes électriques en free-floating de Lime. Le concept de Mobility as a Service pourrait bien prendre son envol dans ce contexte mais demande une forte coordination entre acteurs qui, aujourd’hui, n’est pas suffisante.

Avec le foisonnement des offres privés de mobilité, le marketing des marques va devenir un réel enjeu dans ce secteur traditionnellement public et les acteurs vont passer d’une relation fonctionnelle à une relation émotionnelle avec les usagers.

Une question reste donc en suspens sur ce point : une offre MaaS saura-t-elle retranscrire cette nouvelle relation émotionnelle entre acteurs et usagers et, pourquoi pas, en tirer parti ?

Gabrielle FAURE

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