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Véhicules autonomes : vers l’intelligence collective ?

Les projets de recherche et développement conçoivent généralement les véhicules autonomes comme s’il fallait apprendre à conduire à un humain. C’est tout à fait normal lorsque l’on souhaite faire circuler ces véhicules dans des environnements inconnus au milieu d’imprévisibles conducteurs humains. Il en découle que l’on mise principalement sur les technologies permettant à la voiture de découvrir son environnement : capteurs, reconnaissance d’image… Pourtant, cela laisse de côté l’une des principales opportunités des véhicules autonomes : C’est en effet la connectivité qui est la clef pour permettre à ces nouveaux véhicules de remplir toutes leurs promesses.

Les communications V2V et V2I, porteuses d’opportunités

Les véhicules connectés peuvent communiquer à la fois entre eux (V2V, Vehicle-to-Vehicle) et avec les infrastructures (V2I, Vehicle-to-Infrastructure). Les premières applications basiques de la communication inter-véhicules consistent à s’informer de la position de chacun d’entre eux et de mieux anticiper les freinages, évitant ainsi des accidents. En plus de la position, il est possible de connaître la vitesse, l’accélération et même la destination de chaque véhicule, permettant d’anticiper avec une plus grande précision leurs positions futures. La possibilité de communiquer avec toutes les voitures sur la route augmenterait ainsi la sécurité.

Outre leurs propres informations, les véhicules peuvent également partager les informations dont ils ont connaissance concernant l’environnement. Obstacles futurs, cyclistes, et comportement des piétons pourraient être mieux anticipés grâce à ces partages d’informations permettant d’avoir une vision à 360° de l’environnement et de supprimer les angles morts. Il est également possible d’imaginer faire communiquer les véhicules avec les smartphones des piétons, cyclistes ou trottinettes pour fiabiliser leur détection ainsi qu’alerter directement ces usagers.

Ensuite, pourquoi entraîner une voiture à lire les panneaux de signalisation comme un humain alors que le panneau pourrait directement communiquer avec elle ? Les communications V2I permettent d’anticiper les règles de circulation, même en cas de manque de visibilité. Elles peuvent non seulement conduire à modifier le comportement des véhicules, mais également à modifier les règles de circulation de manière dynamique en fonction du trafic et de la trajectoire de chaque véhicule. Il peut s’agir d’optimiser les feux de circulation, mais également de modifier les couloirs de circulation ou les priorités pour fluidifier le trafic. Un autre cas d’usage des communications V2I est d’informer plus précisément le véhicule sur son environnement : obstacle, forme de la route, déviation, présence d’autres usagers dans un virage sans visibilité, etc.

L’intelligence collective des véhicule autonomes

Au-delà du simple partage d’informations se trouve le graal de la coordination. C’est en effet une des promesses de l’autonomisation des véhicules. Une flotte coordonnée de véhicules peut se comporter d’une manière beaucoup plus intelligente et optimale qu’un groupe de véhicules indépendants. En planifiant conjointement leurs itinéraires et leurs trajectoires, il est possible de désengorger les axes saturés, mais également de fluidifier la circulation.

En coordonnant leurs mouvements, les véhicules autonomes peuvent réduire la formation d’embouteillages et optimiser le flux de véhicules. Il serait également possible d’éliminer les feux de signalisation en coordonnant le croisement des véhicules aux intersections. De nombreux chercheurs travaillent sur ce sujet et plusieurs algorithmes de déplacements multi-agents sont envisageables. La solution la plus pragmatique est d’utiliser un système de coordination centralisé par intersection, auquel se connecterait chaque véhicule à son approche. Le système communiquerait à chaque véhicule ses instructions en terme de vitesse pour traverser l’intersection sans accrochage. Il est également possible d’imaginer des algorithmes distribués permettant aux véhicules en présence, sans intervention de l’infrastructure, de décider conjointement du comportement à adopter pour optimiser leurs traversées de l’intersection tout en s’évitant.

Ces optimisations de la circulation grâce à des véhicules communiquant tous entre eux peuvent ainsi permettre de traverser une ville beaucoup plus rapidement. Une circulation plus fluide peut non seulement diminuer la durée des trajets, mais également l’empreinte spatiale des voitures. La réduction des freinages et des accélérations permet quant à elle d’économiser de l’énergie et de réduire les émissions de particules fines, contribuant à une meilleure qualité de l’air.

Toutes ces promesses sont alléchantes, mais les conditions pour atteindre ces objectifs ne sont pas négligeables : des voitures toutes autonomes, ou du moins connectées, et des communications standardisées.

Quelle trajectoire pour relever ces défis ?

L’atteinte de cet optimum collectif n’est hélas possible que par l’intervention des autorités ou des gestionnaires d’infrastructures, en restreignant l’accès aux routes aux seuls véhicules autonomes (ou a minima connectés) respectant les règles de la zone concernée.

Les autorités organisatrices des mobilités (AOM) auraient en effet intérêt à faire en sorte que le parc automobile sur leur territoire soit à 100% connecté : elles y gagneraient une remontée de données utiles à l’organisation des infrastructures et du territoire, ainsi que la possibilité de réaliser une tarification intelligente de l’usage de ces infrastructures et des externalités générées par le trafic (pollution atmosphérique, sonore, occupation spatiale, etc.). Comme vu précédemment, elles auraient également intérêt à ce que l’ensemble des véhicules soient autonomes afin de permettre la coordination et l’optimisation de leur circulation. Le meilleur moyen d’être utile aux humains serait ainsi de leur retirer le volant…

De telles mesures politiques, bien que collectivement bénéfiques, ne sont évidemment pas simples à mettre en œuvre et à faire accepter à l’ensemble de la population, en particulier aux conducteurs. C’est la raison pour laquelle il sera nécessaire de mener des expérimentations à de petites échelles. La diversité des réglementations et la concurrence entre collectivités peut permettre d’éviter toute uniformisation et d’expérimenter de multiples modèles jusqu’à ce que chacun trouve celui qui lui convient le mieux.

Si les réglementations de circulation, les infrastructures et les méthodes algorithmiques peuvent varier selon les villes, il est toutefois nécessaire, pour des raisons de simplicité et d’économies d’échelles pour les équipementiers, que toutes les communications des véhicules soient standardisées : mêmes protocoles, chiffrements et structures des informations échangées. Jusqu’à présent, les technologies V2V utilisaient un protocole de type Wi-Fi appelé DSRC (pour Dedicated Short Range Communications), mais l’arrivée de la 5G pourrait le concurrencer. L’Union Européenne est d’ores et déjà sur le point de définir son standard.

Le rôle des collectivités concerne également le choix et l’installation des infrastructures IoT communiquant avec les véhicules. Mais comment financer ces infrastructures ? Nul besoin d’avoir recours au contribuable : l’une des opportunités des véhicules connectés est bel et bien la possibilité de connaître leurs déplacements et de facturer au plus précis l’usage des infrastructures.

 

Des véhicules autonomes indépendants circulant parmi des conducteurs humains nous seraient déjà fort utiles en nous économisant la conduite. Avec la volonté politique appropriée, un parc automobile totalement autonome et coordonné pourrait offrir davantage de sécurité et encore d’autres opportunités pour optimiser les trajets ainsi que l’impact environnemental de notre mobilité. L’adhésion des populations et le développement d’expérimentations seront les clefs. Entre cohabitation ou remplacement des véhicules avec conducteurs par des autonomes, quelle sera la stratégie de chaque ville ? Et si le meilleur moyen de concrétiser rapidement l’autonomie de niveau 5 était d’éliminer les incertitudes liées aux conducteurs humains ?

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