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Les véhicules électriques, compétitifs à horizon 2024 ?

Les véhicules électriques s’immiscent peu à peu dans notre quotidien, mais ils restent réservés à un public privilégié. De fait, leur prix constitue le premier frein à l’achat. Dans une étude publiée le 28 novembre dernier, le Bureau Européen des Unions de Consommateurs (BEUC) révèle une information décisive pour le développement du secteur : les coûts d’achat et d’utilisation des voitures électriques devraient converger avec ceux des voitures thermiques d’ici 2024. Annonce réaliste ou prévision futuriste ?

Selon le BEUC, les voitures électriques seront compétitives dès la prochaine décennie

L’étude réalisée par le cabinet Element Energy annonce une « convergence » des coûts entre électrique et thermique au cours de la prochaine décennie (2020-2030) en Europe. Le critère de comparaison retenu est le coût total de possession (TCO : Total Cost of Ownership), qui permet de comparer le coût de possession d’un véhicule sur l’ensemble de son cycle de vie. Celui-ci prend en compte différentes variables : le prix d’achat du véhicule, sa dépréciation, le coût du carburant, le prix de l’entretien et le prix de l’assurance du véhicule.

L’étude s’appuie sur une illustration concrète : le match entre la Nissan Leaf (électrique) et l’Opel Astra (thermique), deux modèles très populaires en Europe, dont le BEUC examine le TCO sur 4 ans. « En 2015, il y avait une différence d’environ 8% sur le TCO à 4 ans entre le thermique et l’électrique » (dans le cas de l’acquisition d’un véhicule neuf). En 2020, « l’écart de TCO devrait chuter à 4% avant de se réduire à environ 1,5% en 2025 et de finir à moins de 0,5% à la fin des années 2020. » En valeurs absolues, l’écart de TCO à 4 ans devrait passer de près de 2 000 euros en 2015 à une centaine d’euros en 2030, un montant négligeable lorsqu’il est comparé au prix des options auxquelles souscrivent de nombreux consommateurs.

L’analyse montre que le premier facteur de cette convergence est « la chute attendue des prix des batteries« . Le coût unitaire des accumulateurs électriques pourra en effet être réduit grâce aux projets de production à grande échelle.

C’est le pari que s’est lancé Elon Musk, après avoir relevé le défi de l’autonomie des batteries (qui atteint 400 km aujourd’hui). Avec la Gigafactory, une usine géante de production de batteries électriques construite en partenariat avec Panasonic, le patron de Tesla s’attaque à la problématique des coûts de production. L’usine s’étendra, dans sa première phase, sur un espace grand comme 71 terrains de football, pour un coût annoncé de 5 milliards de dollars. Plus de 500 000 batteries devraient y être fabriquées en 2018, soit autant que la production mondiale en 2013. Un changement d’échelle qui apparaît comme indispensable pour Elon Musk afin de convaincre un plus large public.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : Guillaume Crunelle, responsable industrie automobile du cabinet Deloitte, explique que le prix de production d’une batterie au lithium représente environ un tiers du prix d’une voiture électrique (entre 25 000 et 40 000 dollars pour le Model S de Tesla, qui propose une entrée de gamme à 80 000 dollars). Or, avec l’usine Gigafactory, Tesla espère réduire de 30% le prix de ses batteries. Des prévisions optimistes qui expliquent que la construction d’une Gigafactory 2 soit déjà prévue. Sa localisation précise n’est pas encore connue, mais elle sera sans aucun doute située en Europe.

Second facteur de cette convergence : la meilleure efficacité énergétique des véhicules, et notamment des véhicules électriques, qui permettra de réduire la part de la consommation énergétique dans le TCO, malgré les prévisions d’augmentation du prix des énergies.

L’essor de la voiture électrique promet ainsi d’être impressionnant dans les années à venir. Tony Seba, professeur à l’université Stanford, est convaincu qu’aucune voiture thermique ne se vendra plus en 2030. Il affirme que de telles disruptions «arrivent généralement très vite et sont difficiles à accepter pour nombre d’acteurs historiques du secteur», donnant l’exemple des appareils photos argentiques, remplacés en une douzaine d’années à peine par la technologique du numérique.

Quant au panel de consommateurs des voitures électriques, il semble évoluer en miroir : sensibles à la dimension écologique au début des années 2010, les acheteurs types sont devenus plus aisés dans un deuxième temps, avant de brasser une population mixte avec l’amélioration progressive de la compétitivité prix. Selon les experts du Bernstein Research, il s’agit de la troisième vague d’adoption des véhicules électriques.

Ces conclusions laissent toutefois planer des doutes…

Parce qu’elle est stratégique pour les parties prenantes du secteur, cette analyse est sujette à controverses.

Ses détracteurs soulèvent, d’une part, le faible volume de ventes : moins de 1% des véhicules neufs immatriculés dans le monde sont électriques. En 2014, le cabinet Lux Research estimait que 50% des 500 000 batteries produites par la Gigafactory de Tesla ne seraient ainsi d’aucune d’utilité. Ces ventes confidentielles sont de plus associées à une faible compétitivité, en dépit des nombreuses subventions publiques. En France, par exemple, une prime de conversion avec un superbonus (10 000€ dans le cas de l’acquisition d’un véhicule électrique et 3 500€ dans le cas d’un véhicule hybride) est accordée pour toute mise au rebut d’un vieux moteur diesel. Cette dépendance vis-à-vis des aides gouvernementales inquiète d’autant plus que celles-ci semblent vouées à disparaître à court ou à moyen terme.

D’autre part, certains critères font défaut à l’analyse, comme la valeur à la revente d’un véhicule électrique, qui représente pourtant un élément capital pour le budget des ménages, ou le nombre de kilomètres réalisé par chaque conducteur, ou encore sa capacité à pratiquer une éco-conduite allégeant la facture de carburant.

Reste enfin l’épineuse question de la disponibilité d’infrastructures de recharge, à laquelle est conditionnée la démocratisation de l’usage de la voiture électrique. Monique Goyens, Directrice générale du BEUC, affirme que « plus de voitures électriques en circulation nécessitent plus de points de chargement. Les consommateurs ont besoin d’être rassurés que recharger leur voiture sera facile et accessible, que ce soit chez eux, sur leur lieu de travail, ou sur la route ». Les coûts d’aménagement des bornes de recharge doivent ainsi être répartis entre les collectivités, les entreprises et les ménages afin d’assurer la pluralité et la fiabilité du système. Or, faute d’investissements suffisants, l’installation de bornes à domicile devra – au moins en partie – être prise en charge par les particuliers, soit un coût conséquent qui n’est pas pris en compte dans l’analyse.

Le moteur thermique, un secteur en pleines évolutions 

Ces prévisions sont sans compter la dynamique d’innovations actuellement à l’œuvre dans le domaine des véhicules à moteur thermique – une dynamique boostée par la concurrence croissante des modes alternatifs. La prise en compte d’un moteur thermique de référence tel qu’il existe en 2015 dans le cas d’une étude prédictive sur la prochaine décennie a ses limites puisqu’elle fait fi des évolutions technologiques, notamment la baisse de consommation des voitures à essence (jusqu’à 30%) permise grâce à la découverte d’un nouveau concept de combustion utilisé en Formule 1.

Néanmoins, la nature (environnementale) et l’échelle (étatique/supra étatique) des enjeux accordent une grande place aux pouvoirs publics, capables d’orienter par leurs décisions le développement des industries, dans un sens comme dans l’autre. En Allemagne, où le secteur automobile est roi, une résolution non contraignante adoptée fin septembre 2016 par la chambre haute du Parlement prévoit l’interdiction d’utilisation des voitures diesel et essence en ville dès 2030. La ministre de l’Écologie allemande projette de plus d’interdire les véhicules à carburant fossile au sein de l’Union Européenne. Si ces décisions étaient appliquées, les ventes de voitures à moteur thermique tomberaient en flèche, influant directement sur la production et le marché du travail dans le secteur, mais permettraient indéniablement d’accélérer l’émergence du mode électrique.

En conclusion, il faut souligner la recherche et les investissements réalisés dans le domaine électrique pour rendre la technologie mature et les véhicules compétitifs. Mais il faudra encore du temps avant que le moteur électrique ne puisse rivaliser avec le thermique, sauf à voir les pouvoirs publics se coordonner et prendre de solides décisions en ce sens.

 

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