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Les assets 4.0 : quand la technologie impulse la transformation digitale des gestionnaires d’actifs

Avec l’essor des technologies digitales, les exploitants évoluent dans un contexte de transformations culturelles et technologiques profondes. Les innovations sont omniprésentes et de plus en plus pointues. Elles impactent l’ensemble des métiers. Pour rester compétitifs et tirer parti des nombreuses promesses portées par les nouveaux produits et services, les gestionnaires d’actifs -de tous secteurs- doivent se préparer en adaptant une partie plus ou moins importante de leurs métiers et de leur culture d’entreprise.

La production automobile est un des exemples les plus aboutis : l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur ont été touchés par une profonde mutation. De la mécanique pure à l’électronique embarquée, les outils de production ont fortement changé en l’espace de quelques années. Les métiers ont dû s’adapter au même rythme pour rester dans la course à la compétitivité. Les usines neuves et fortement automatisées, comme l’usine Tesla en Californie, sont en train de prendre une longueur d’avance décisive dans la maîtrise de ces nouveaux équipements.

Nous ne sommes qu’au début de ces évolutions. Avec le développement de l’IA et de l’IoT, c’est une nouvelle révolution qui se prépare. Les entreprises doivent intégrer pleinement ces enjeux de transformation dans leur stratégie d’Asset Management. L’arrivée d’actifs embarquant les dernières technologies accélère la transformation digitale et permet de développer les compétences de demain.

Le hardware change la culture

C’est un fait : les cycles d’innovation s’accélèrent. De nombreuses technologies, qui paraissaient futuristes il y a peu, ont rapidement dépassé le stade de « gadget ». Elles arrivent à maturité et sont prêtes à être déployées à grande échelle, dans le respect des exigences des exploitants. C’est le cas de l’IoT et maintenant de l’IA.

Pour de nombreuses entreprises, le premier contact avec ces nouvelles technologies se fait au travers de leurs assets. Prenons l’exemple du ferroviaire : les constructeurs évoluent dans un marché très concurrentiel et proposent des rames de plus en plus modernes et connectées. Confort du passager, état de santé du train en temps réel, mesures d’économies d’énergie : les promesses portées par ces nouveaux assets sont de plus en plus ambitieuses. Les exploitants, à l’image de la SNCF qui investit dans des nouvelles rames, doivent s’adapter à ces sauts technologiques pour bénéficier des promesses de leur nouveau matériel d’une part, mais aussi afin de ne pas devenir dépendants des compétences du constructeur proposant ces nouvelles fonctionnalités.

Au même titre, de nombreuses évolutions métiers ont découlé de la démocratisation des smartphones et des tablettes : facteurs, conducteurs de trains, … C’est bien l’ « outil », le « hardware », qui préexiste à l’utilisation que l’on en fait, ce qui est une notion assez récente. A contrario, la transformation digitale des secteurs très réglementés, comme le nucléaire, est plus lente. En effet, la mise en place des nouvelles technologies (IoT, IA) sur les actifs existants en se conformant aux règles d’exploitation actuelles est longue et complexe.

Illustration avec la démocratisation de la maintenance connectée 

Ce saut technologique, les métiers de la maintenance le vivent actuellement avec la démocratisation de l’IoT, de l’IA et du Big Data.

Les trois modes de maintenance historiques sont la maintenance curative (remplacement d’une pièce après une panne), la maintenance préventive systématique (on remplace la pièce après une durée de vie ou un temps d’utilisation donné) et la maintenance préventive conditionnelle (on remplace la pièce après une mesure ou un test).

Les nouvelles technologies permettent l’avènement de la maintenance prévisionnelle et bientôt du prédictif, permettant de tenir compte de l’historique de chaque pièce, et d’anticiper les pannes par l’exploitation des données remontées massivement par les nouveaux matériels.

Le NAT de la SNCF

A titre d’exemple, les transiliens NAT, déployés en 2008, permettent de remonter près de 40 000 variables, contre 2 000 variables pour les rames de TGV. Cependant, pour traiter cette multitude de données et basculer sur une politique de maintenance prédictive, l’exploitant doit faire évoluer ses outillages et ses compétences métiers. Les équipes terrain doivent, en plus de leurs compétences classiques mécaniques, électrotechniques ou automatiques, développer des compétences spécifiques et nouvelles : réseaux (communications entres les capteurs et les organes mécaniques), nouveaux capteurs, IoT, analyses de données, etc.

Le digital twin (double digital des assets) doit fournir une vision complète des assets et regrouper toutes les informations utiles à leur exploitation : géométrie, matériaux, comportement dynamique, fiches techniques, mesures. Les mainteneurs de demain doivent apprendre à utiliser ces nouvelles représentations des assets, pour rechercher les pannes et pour préparer des interventions complexes.

L’ingénierie de maintenance et la stratégie d’Asset Management sont aussi concernés : les données disponibles et les méthodes d’analyse évoluent considérablement. L’IA démultiplie les possibilités d’identification des dysfonctionnements et devient un outil d’aide à la décision clef pour l’optimisation de la maintenance en temps réel et la maîtrise des coûts.

Adapter sa stratégie d’Asset Management pour accélérer les transformations

Une stratégie d’Asset Management est la recherche d’un optimum technico-économique élaboré à partir de la connaissance de l’état présent des installations, des risques futurs (risque de défaillance, conformité règlementaire, etc.), des coûts de maintenance futurs et des besoins d’évolutions du patrimoine pour satisfaire les besoins clients. Mais, avec l’accélération des innovations digitales, les stratégies d’asset management doivent aussi répondre aux enjeux du maintien et du développement des compétences.

En installant régulièrement des actifs de nouvelles générations, les exploitants se donnent les moyens d’acquérir des compétences sur les nouvelles technologies et s’assurent d’anticiper les transformations plutôt que de risquer de devoir franchir des paliers, comme cela a pu être le cas des exploitants ferroviaires lors de l’arrivée des premières rames ultra connectées ou dans le domaine nucléaire avec les derniers modèles de réacteurs.

De plus, un parc contenant des actifs récents peut permettre d’attirer les talents. Pour leur employabilité, les nouvelles générations privilégient les exploitants utilisant les technologies digitales actuelles. Ceci est d’autant plus important que certaines ressources sont rares et coûteuses, à l’image des Data Scientists, ressources stratégiques pour l’Asset Management et la maintenance prédictive.

En revanche, et contrairement à certaines croyances, les métiers traditionnels ne sont pas directement menacés à court terme par l’arrivée de ces nouvelles technologies : l’expertise métier est nécessaire à la déclinaison métier des nouvelles technologies (description des cas d’usage) et à l’adaptation des algorithmes. Ces nouveaux outils faciliteront leurs travaux quotidiens et leur permettront de dégager du temps à consacrer aux sujets complexes et à forte valeur ajoutée.

Bien sûr, la stratégie d’Asset Management dépend du secteur concerné. Par exemple, les compagnies aériennes low cost renouvellent leurs flottes tous les 2 ans en moyenne, s’assurant de disposer des matériels les plus récents. Au-delà de la pure optimisation technico-économique, cette stratégie leur permet de fidéliser les pilotes et d’échelonner leur montée en compétences sur les évolutions techniques.

A l’inverse, pour certains secteurs (infrastructures notamment), l’optimum est d’allonger au maximum la durée de vie des actifs. Pour ces exploitants, les choix des nouveaux d’actifs sont clefs. L’anticipation des futurs usages possibles avec les nouvelles technologies est plus complexe et le risque est important que les constructeurs imposent leurs choix. En effet, ils entendent tirer parti de leur maîtrise des technologies pour la normalisation et pour la maintenance de leurs équipements. Ils cherchent à augmenter leur proposition de valeur sur la maintenance et sont nombreux à proposer leurs propres services d’analyse de données et de prédictif.

Les exploitants peuvent toutefois activer plusieurs leviers pour garder la maîtrise de leurs métiers :

  • Étaler et diversifier les remplacements d’actifs
  • Tester les nouvelles technologies et lancer régulièrement des projets d’innovation sur les futurs assets
  • Redoubler d’efforts sur la transformation digitale des métiers : les technologies qui n’impactent pas directement les actifs, mais font évoluer les métiers : AR/VR, BIM, Smart data, IA

Conclusion

Pour une entreprise, la construction d’une vision claire sur l’intégration des nouvelles technologies dans ses actifs est bel et bien une nécessité. Cela lui garantira de monter en compétences de manière progressive sur les domaines nécessitant l’acquisition d’un réel savoir-faire (la plupart du temps en rupture avec les compétences conventionnelles de l’entreprise). Ces changements bénéfiques permettront à l’entreprise de garantir son indépendance technologique vis-à-vis d’autres acteurs de la chaîne industrielle (fournisseurs, constructeurs, …) tout en tirant profit des nouvelles technologies. Ceci est fondamental pour accroître sa performance dans des milieux industriels où la concurrence est vouée à s’intensifier.

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