TransportShaker

Le blog Transport des consultants de Wavestone

Les nouveaux horizons du voyage durable : entre nouvelles tendances de consommation et chasse aux émissions de CO2

Depuis quelques années, nous constatons un accroissement de la part des voyageurs qui souhaitent voyager plus durablement, vis-à-vis de la planète et des territoires. Cela contribue au développement du marché de l’écotourisme. Du fait, des rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) et de la crise sanitaire, les éco-voyageurs, adeptes d’aventures locales et loin des grands complexes hôteliers, voient aujourd’hui leurs rangs grossir et se diversifier, incitant ainsi les secteurs du tourisme et du transport à se transformer. Par ailleurs, c’est l’ensemble du secteur du tourisme qui est impacté par la crise écologique ; en plus d’une évolution de la demande, la nécessité de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre et la pression sur les écosystèmes naturels obligent les acteurs du tourisme et du transport à s’adapter, voire revoir leur modèle.

Dans cet article, nous nous intéresserons principalement, au transport ad-hoc, c’est-à-dire au fait de se déplacer d’un point « a » à un point « b » pour des voyages touristiques, de loisirs, et à son empreinte carbone. Les voyages d’affaires ne seront ici pas pris en compte.

Après deux années noires pour le secteur du transport en raison de la crise sanitaire mondiale, les compagnies aériennes, les opérateurs ferroviaires et touristiques ont dû s’adapter aux nouvelles restrictions. Ces bouleversements les ont obligés à trouver des alternatives et à changer leurs stratégies pour d’une part se conformer aux obligations réglementaires imposées par les Etats et d’autre part répondre aux nouvelles tendances et habitudes des voyageurs.

Mis bout à bout ces éléments ont permis de catalyser à la fois une réflexion citoyenne mais également d’accélérer une meilleure prise de conscience collective autour des voyages (destructions d’écosystèmes, empreinte carbone etc…), du tourisme et de ses externalités.

Nous avons ainsi identifié 2 prismes d’entrée concernant l’évolution des modes de voyages :

  • Les évolutions des tendances de consommation ;
  • La nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre et l’empreinte environnementale du secteur du transport, notamment dans un cadre touristique, face à la crise climatique et écologique, et répondre aux objectifs fixés par l’Accord de Paris[i].

 

Quelles sont les tendances et habitudes des consommateurs vis-à-vis des voyages ?

En raison d’une complexification de la demande liée à un changement comportemental des consommateurs[i], les professionnels du voyage doivent répondre à des problématiques renouvelées. Les touristes souhaitent désormais être des acteurs à part entière du « tourisme vert » en voyageant de manière plus responsable et plus respectueuse de l’environnement. Ils apprécient en prime, des périples plus authentiques et plus en lien avec la nature. Ces différents constats témoignent incontestablement de la montée en puissance du marché des « voyageurs écoresponsables » décrit plus haut[ii].

Source : Olivier Wyman

En ce sens, on observe le développement de nombreux outils et applications pour aider les voyageurs éco responsables dans leur démarche et contribuer à une diminution des émissions de gaz à effet de serre.

Le cas de la plateforme Flockeo est assez caractéristique. Cette dernière propose une nouvelle fonctionnalité permettant de calculer son empreinte carbone avant ou après un voyage. L’objectif est de sensibiliser le voyageur à l’influence du tourisme sur les émissions de gaz à effet de serre et de l’inviter à voyager de manière plus sobre[i].

Globalement, les changements mentionnés se concrétisent par 4 dynamiques[ii] :

Source : News. Booking, Sécurité, simplicité et bienveillance : 9 prédictions sur l’avenir du voyage, octobre 2020, disponible ici. 

  • La proximité

49% des Français prévoient de voyager en France dans les 7 à 12 mois à venir. Cette recherche de la proximité s’est accentuée avec la crise sanitaire où il est à présent plus complexe de voyager à l’autre bout du monde.

  • La simplicité

57% des Français recherchent des plaisirs simples, au cœur de la nature. Ils redonnent du sens à leurs voyages mais aussi souhaitent que leur démarche ait des externalités positives sur le territoire. 59% des Français aimeraient ainsi que leurs choix de voyages contribuent à la reprise économique et locale.

  • L’agilité et la flexibilité

L’agilité et la flexibilité sont également devenus des aspects importants en raison de l’incertitude générée par le contexte sanitaire. Les consommateurs souhaitent donc pouvoir réserver en dernière minute, avec des assurances annulations. Le télétravail a permis également aux employés de pouvoir travailler dans des lieux loin de leurs résidences principales. Un changement au niveau des habitudes est à constater et les professionnels du tourisme doivent en conséquence s’adapter.

  • La sécurité

Privilégier un endroit plus sécurisant où par exemple le nombre de « cas de Covid » est plus faible que dans certaines grandes villes peut être un argument. Les voyageurs ont besoin d’être informés sur le sujet pour être rassurés.

Ces nouvelles tendances de consommation autour du tourisme, les opérateurs touristiques et les acteurs du monde du transport se doivent de les intégrer dans leurs stratégies de réponse à la demande cible. En ce qui concerne l’empreinte carbone du tourisme, réduire celle du transport apparaît comme la clé de voute du voyage peu carboné (II). En effet, le transport a un rôle structurel dans les émissions de gaz à effet de serre liées au voyage.

 

Verdir le transport en avion : quelle réalité derrière les innovations mises en avant ?

Le transport étant la première étape du voyage, les acteurs clés du transport doivent s’adapter à la nouvelle approche kaléidoscopique (Etat, citoyen et Entreprise) de la contrainte environnementale, mais aussi, comme vous l’aurez compris, aux nouvelles tendances de consommations de voyageurs en matière de transport. S’engager dans une voie pour développer une offre moins émettrice de gaz à effet de serre devient un enjeu majeur pour répondre aux défis climatiques. Concrètement cela se traduit par des économies d’énergie et la transition énergétique du secteur. En complément, les acteurs du transport touristique peuvent mettre en place des mesures de compensation carbone pour financer des projets de réduction d’émissions ou bien de séquestration carbone[i].

Le transport aérien tend à être le moyen de transport le plus carboné pour les voyages touristiques, de par la longueur des distances parcourues (souvent bien plus longues que les distances en voiture) et le haut niveau de son facteur d’émission par passager (émissions équivalent CO2 par km, à peu près à hauteur de celui de la voiture). Il est donc au cœur de l’enjeu de réduction des émissions de gaz à effet de serre du transport dans le tourisme.

Dans le cadre de l’Assemblée générale de l’association du transport aérien national d’octobre 2021, 290 compagnies aériennes se sont engagées à viser la neutralité carbone à horizon 2050. Ce geste va plus loin que le consensus initial qui tournait autour « d’une réduction d’ici à 2050, des émissions de CO2 de moitié par rapport au niveau de 2005, tout en limitant la hausse des émissions nettes de CO2 d’ici à 2020 » [ii] par le truchement d’un recours massif aux carburants alternatifs et les technologies de stockage de CO2[iii].

L’IATA a estimé que cette réduction graduelle coûtera environ 1 550 milliards d’euros[iv]. Selon l’organisation, la neutralité carbone passera par un développement à hauteur de 10 000% des carburants durables. Cependant une telle augmentation ne sera possible que par des investissements publics importants pour faire éclore des filières encore embryonnaires. En tant que leader de l’aéronautique européen, la France doit se positionner rapidement en chef de file. Comme le soulignait le Rapport de l’Institut Montaigne[v] sur le sujet de la décarbonation de la filière aéronautique de janvier 2022, il est urgent de développer plus encore les technologies de rupture à l’instar de l’avion à hydrogène.

A titre d’illustration, un projet porté par Safran, Dassault, Onera et Airbus a vu le jour grâce au plan de relance aéronautique qui consacre 1,5 milliards d’euros pour les recherches sur l’avion décarboné. Ce projet s’est concrétisé par le lancement de l’Airbus A219neo qui a volé durant un vol de 3 heures avec du carburant 100% durable[vi] (esters hydro-traités et acides gras obtenus à partir d’huiles de cuisson usagées).

De son côté, Air France a annoncé vouloir réduire et compenser ses émissions de CO2. Cette compensation se matérialise par la façon de « financer de manière volontaire un ou plusieurs projets écologiques dont l’activité permet d’éviter tout ou partie de ses émissions de gaz à effet de serre »[vii]. Mais aussi proposer une expérience a bord plus écoresponsable (suppression du plastique à usage unique, limitation du gaspillage alimentaire…)[viii].

« Après cette crise, nous serons plus que jamais engagés à être les pionniers d’une aviation plus durable. Innover et nous réinventer pour que le ciel puisse à nouveau relier les personnes, les économies et les cultures » (Anne Rigail, Directrice générale d’Air France)[ix].

Néanmoins, réduire les émissions de gaz à effet de serre liées au transport ne peut se limiter à tenter de verdir l’aviation. Il faut promouvoir le voyager différemment, en utilisant des modes de transport moins carbonés que l’avion, et en allant moins loin.

Avec la volonté accrue de voyager différemment, startups et acteurs traditionnels du transport innovent afin de proposer des offres novatrices aux voyageurs. Il s’agit d’offres déjà existantes sur le voyage local (ou d’offres de services plus complètes pour s’adresser à une population plus large), ou des alternatives au voyage en avion.

 

Entre bien commun et alternative à l’avion : les ressorts du « voyager autrement »

Afin de répondre aux besoins et nouvelles envies des consommateurs, des moyens de transports moins conventionnels ont vu le jour tandis que d’autres ont été remis au goût du jour.

C’est le cas de Sailcoop, startup lancée en 2021, qui souhaite faire du voilier une alternative durable à l’avion[x]. Ce projet répond parfaitement à la nouvelle demande des voyageurs. Cette dernière promeut de l’aventure pour les voyageurs mais est aussi engagée dans une démarche d’économie circulaire puisque qu’elle loue des bateaux inutilisés et les rénove. A horizon 2024, leur objectif serait d’économiser 50 000 tonnes de carbone.

De plus, il existe des entreprises similaires voulant remettre au goût du jour le transport des passagers, il s’agit notamment de la startup Midnight Trains qui est une nouvelle entreprise ferroviaire française spécialisée dans les trains de nuit. Elle cherche à créer une véritable expérience de qualité pour le voyageur. Selon son PDG, le train de nuit a un impact positif sur l‘environnement. « en tant qu’entrepreneur nous avons une obligation d’impact. Les jeunes générations nous appellent. » [i]. Mignight Trains souhaite ainsi concurrencer les lignes aériennes courts et moyen-courriers pour permettre aux personnes de voyager la nuit et gagner du temps.

C’est également le cas de la SNCF et d’autres opérateurs européens comme la Deutsche Bahn qui ont décidé de s’associer pour remettre au gout du jour les trains de nuit pour voyager à travers l’Europe avec le soutien de la puissance publique.

Source : https://www.transportshaker-wavestone.com/le-train-de-nuit-sort-de-son-sommeil/

En plus du service de transport classique proposé, les usagers auront la possibilité de faire transporter leur voiture et d’utiliser un service de transport de bagages « porte à porte »[i], cela permet un enrichissement de l’offre !

Enfin, grâce à l’ouverture à la concurrence dans le domaine ferroviaire[ii] de nouveaux entrants sur le marché apparaissent progressivement. Par exemple comme nous l’expliquions dans un article récemment publié[iii] la société Railcoop s’est donnée pour ambition de renforcer l’usage du ferroviaire sur tous les territoires afin de contribuer au report modal vers le ferroviaire. Comme le souligne cette dernière, l’ambition de Railcoop est de redonner du sens à la mobilité ferroviaire en impliquant citoyens, cheminots, entreprises et collectivités et selon les mots de son président : « l’objectif doit être en effet d’œuvrer pour le bien commun et non pour le profit »[iv].

 

Moins loin, plus lent, c’est une part croissante des voyageurs qui s’oriente vers le voyage durable et ses corollaires. De nouvelles offres de voyage, avec notamment un rebond du train de nuit, permettent de répondre à l’accélération de cette nouvelle demande. Pour autant, nombreux sont celles et ceux qui continuent de rêver de voyages à l’autre bout du monde, quelle que soit la durée du séjour, et il convient de rappeler que premièrement pour les longs courriers, l’avion reste en termes de coût/bénéfice une solution difficilement substituable[v] et que deuxièmement pour certaines destinations l’avion reste le seul moyen de transport possible. Le secteur de l’aviation travaille sur des innovations pour réduire son empreinte carbone et environnementale et apporter des pistes de solutions. Cependant, ces dernières restent très hypothétiques à court terme. Réduire l’empreinte environnementale du transport pour les voyages touristiques est donc aujourd’hui fortement dépendant d’une transformation massive et majoritaire de nos idéaux de voyages, en acceptant de voyager moins souvent en avion, notamment pour des séjours courts, en passant plus de temps dans les transports et en l’intégrant complètement dans l’expérience de voyage, ou encore en favorisant des destinations locales pour les week-ends.

 

Bibliographie : 

[i] La Tribune, le transport aérien veut aussi respirer, 2021, Disponible ici.

[i]Le Figaro, le dossier tourisme responsable, disponible ici.

[ii] Critéo, Greentravel 2020, disponible ici.

[i] Le Figaro, Flockeo lance sa calculette carbone, 2021, Disponible ici.

[ii]News.Booking, « Sécurité, simplicité et bienveillance : 9 prédictions sur l’avenir du voyage », 2020, Disponible ici 

[i] Les Echos , le transport aerien promeut la neutralité carbone, 2021, Disponible ici.

[ii] Transport Shaker, L’avion bas carbone mythe ou réalité, Wavestone, 2021, Disponible ici.

[iii] IATA, Net zero carbon strategy toward 2050, Disponible ici.

[iv] https://www.iata.org/en/programs/environment/climate-change/

[v] Institut Montaigne, Aviation décarbonée : embarquement immédiat, 2022, 96p, disponible ici.

[vi] L’echo touristique, Un avion vol 3h avec du carburant durable, 2021, Disponible ici.

[vii] https://www.hellocarbo.com/compenser-mon-empreinte-carbone/#:~:text=Compenser%20son%20empreinte%20carbone%2C%20c,citoyens%2C%20entreprises%20ou%20collectivit%C3%A9s%20territoriales 

[viii] https://www.airfrance.fr/FR/fr/common/page_flottante/information/developpement-durable.htm

[ix] Ibid

[x] Novetic, Sailboot la start up.. ; 2021, Disponible ici.

[i] L’Echo Touristique, « il faut une génération midnight trains comme il y’a eu celle d’easyjet », 2021, Disponible ici.

[i] Transportshaker, Le train de nuit sort de son sommeil, Wavestone,2021, Disponible ici.

[ii] Etude annuel de l’ART, publiée en février 2002 : « Alors qu’elle semblait encore hypothétique il y a quelques années, l’ouverture à la concurrence devient une réalité concrète avec l’arrivée sur le marché français des premières entreprises ferroviaires alternatives à l’opérateur historique », disponible ici.

[iii] Transportshaker, Railcoop, la coopérative qui veut redonner du sens au ferroviaire, Wavestone, 2022, Disponible ici.

[iv] Ibid.

[v] Reporter sur terre, seulement 4% des français prennent l’avion pour aller à l’étranger, 2015, Disponible ici.

CLAIRE DUTER

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