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Autopartage en free floating : quand le fiasco Autolib dégage la route aux nouveaux modèles de mobilité électrique

Lancé en 2011, Autolib, DSP (Délégation de Service Public) d’autopartage de voitures électriques, n’aura finalement pas réussi à trouver l’équilibre financier. En effet, au-delà d’un système de gestion assez lourd, le service a également pâti de l’essor des VTC et autres scooters en libre-service. Trop déficitaire et malgré des discussions entre les différentes parties, le SAVM (Syndicat Autolib’-Vélib’ Métropole) a finalement rendu son verdict en faveur d’un arrêt du service. Cette décision laisse le champ libre à de nouveaux entrants potentiels qui sont déjà nombreux à s’être positionnés.

Etat des lieux post-Autolib’ : que reste-t-il ?

La fin d’Autolib’ provoque un appel d’air et offre de la place à de nouveaux acteurs sur le marché de l’autopartage parisien. Pour autant, Autolib’, qui vient de retirer ses Bluecars progressivement jusqu’au 30 juillet, ne laissera pas une place totalement vide.

Parmi les points clés constitutifs d’une solution d’autopartage, certaines solutions existaient déjà en parallèle d’Autolib’ et vont rester en place (pour certaines, s’étendre davantage).

Les bornes et les places de stationnement Autolib’

Propriété de la Mairie de Paris, les bornes et les places de stationnement sont censées rester en place mais nécessiteront des travaux pour leur donner une seconde vie.

Pour promouvoir l’électrique, la mairie va mettre les places à disposition des particuliers qui possèdent un véhicule électrique. Les particuliers pourront se garer gratuitement pour une durée maximale de 6h. Cependant, les bornes Autolib’ ne permettent qu’une charge lente de 3kW et ne seront probablement plus utilisables car elles nécessitaient la gestion et la maintenance de Bolloré. Différentes possibilités se présentent pour la suite : les bornes peuvent soit être reconverties pour entrer dans le parc de bornes Belib (voir ci-dessous), soit être démontées si la ville ne trouve pas de repreneur.

Les bornes Belib

Il existe un parc de bornes électriques lancé par la mairie en janvier 2016 et opéré par la filiale d’EDF, Sodetrel Mobilité. L’objectif est là encore d’encourager le développement de la mobilité électrique. Ce réseau est composé de 65 espaces de recharge dans Paris, comportant chacun 3 bornes de recharge, soit 190 bornes. Ce chiffre devrait passer à 270 pour septembre 2018, sans compter les 89 parcs de stationnement de la ville équipés de bornes de recharge.

L’utilisation de ce réseau pour des services d’autopartage a été envisagé et reste une possibilité pour l’avenir bien que l’on ne semble pas se diriger vers un système à bornes pour les nouveaux entrants.

Des solutions d’autopartage existantes et autres acteurs en embuscade

Enfin, d’autres solutions d’autopartage ont émergé en parallèle d’Autolib’. Les constructeurs et les loueurs de voitures sont en réalité déjà positionnés sur le marché parisien.

Quatre opérateurs proposent déjà des flottes de véhicules en autopartage dans Paris et vont profiter de la fin d’Autolib’ pour en augmenter leur nombre. Ubeeqo propose 310 véhicules dans Paris et vise 400 d’ici fin 2018, Communauto, 130, Zipcar, 105, et Renault Mobility, 50 depuis début novembre 2017.

Cependant, le mode de fonctionnement de ces opérateurs reste différent de celui qu’avait Autolib’ et reste proche de la location de véhicule classique. Les locations se font à l’avance et le véhicule doit être retourné à la place de départ, souvent dans des parkings privés.

Ubeeqo, Communauto et Zipcar possède également des véhicules sur des places SVP « Service de véhicules partagés« . Ce sont des places attribuées par la ville de Paris en pleine rue pour soutenir les initiatives d’autopartage. Au total, 226 places de stationnement sont labellisées SVP dans Paris.

Deux autres acteurs importants sont aussi présents d’une manière différente. BMW et Volkswagen pourraient tout à fait jouer un rôle dans l’autopartage à Paris via leur présence déjà clé dans le stationnement avec ParkNow et Pay by phone respectivement.

Les nouveaux acteurs entrent en scène

Comme nous l’avons vu, certains acteurs proposent déjà des services de véhicules partagés à Paris. Avec le départ d’Autolib, un remplaçant comparable fonctionnant sur un réseau de bornes de recharges aurait pu sembler naturel.

Mais les modèles récents d’autopartage fonctionnent en réalité sur le principe du free floating : comme pour les vélos, ces nouveaux réseaux de voitures partagées mettent à disposition des véhicules n’ayant pas de point d’attache particulier. Selon Renault : « Un service de mobilité est dit « free-floating » lorsque les utilisateurs peuvent louer un véhicule sans réservation à l’avance, ni station, et terminer la location en garant le véhicule sur la place de stationnement de leur choix à l’intérieur d’un périmètre donné. ».

Madrid en est une parfaite illustration :

3 grands constructeurs automobiles (Daimler, Renault, PSA) ont investi le marché de l’autopartage en free floating, tandis qu’un 4ème (Kia) est sur le point d’apporter une solution hybride pour s’étendre dans la région madrilène.

Parmi les grandes annonces récentes pour Paris, l’offre de Renault commence à prendre forme et sera constituée de 3 services, dont Moov’in, la flotte de véhicules en free floating.

Renault, d’un côté, se chargera de la maintenance et de la réparation, tandis que Ada se chargera de l’application mobile, du repositionnement et de la recharge des voitures, ainsi que de la facturation pour le compte de Renault.

Ce modèle se rapproche très fortement de celui de Zity à Madrid entre Renault et Ferrovial, dans lequel les utilisateurs garent les voitures où bon leur semble (gratuitement car électrique) et l’entreprise les récupère en moyenne tous les 3 jours pour les recharger et les nettoyer (7 courses en moyenne).

A partir de septembre 2018, nous pourrons retrouver à Paris :

  • une offre de VTC électriques via Marcel du Groupe Renault
  • une offre de véhicules électriques en autopartage accessibles en libre-service 24/7 et sans stations
  • une offre de véhicules électriques en autopartage en boucle, pour des trajets plus longs, accessibles en libre-service 24/7 depuis des parkings Renault ou partenaires

De la même manière qu’à Madrid, des services d’autopartage de véhicules thermiques vont émerger. Renault et Ada se sont là encore positionnés.

PSA a également commencé à annoncer les spécificités de son offre d’autopartage en free floating, via sa marque désormais bien connue : Free2Move. Elle sera comparable a celle fonctionnant à Madrid et pourra permettre de renforcer les synergies avec les autres offres de la marque.

Le contexte est favorable à l’expansion de la voiture propre et partagée

L’effervescence suscitée par l’arrêt brutal d’Autolib met l’autorité publique en plein centre du jeu. L’arrivée du free floating engendre un nouveau rapport avec elle, qui change d’approche vis à vis de ces nouveaux acteurs et qui doit trouver le bon équilibre entre les utilisateurs, les entreprises et l’environnement.

Les conditions d’exploitation des nouveaux services de véhicules partagés doivent être encadrées et guidées :

La réduction du nombre de places et l’augmentation du prix du stationnement, couplée à l’élargissement des trottoirs et la restriction de plus en plus ferme envers les véhicules thermiques, oriente inévitablement la mobilité à Paris vers plus de partage et moins de pollution.

Dernière initiative en date, la Carte d’Autopartage : les acteurs de l’autopartage en free floating vont pouvoir donner la possibilité à tous leurs utilisateurs de garer les véhicules sur n’importe quelle place de stationnement payant (durée maximale de 24h consécutives par place). Pour cela, ils devront s’acquiter d’un montant de 300€ / an / véhicule. Cette carte n’est également valable que pour les véhicules électriques (Crit’Air électrique).

Viendra ensuite une charte de bonne conduite pour les véhicules en free floating, qui « inclura notamment des engagements sur la transmission de données afin de permettre le développement d’agrégateurs permettant d’avoir accès à l’ensemble des services […] » selon la mairie. Un pas de plus vers le MaaS ?

Cette évolution de la mobilité urbaine, redessinant aussi bien les rues que les rôles des acteurs historiques, laisse entrevoir la prochaine étape : celle de l’autonomie. En effet, le terrain de jeu des véhicules autonomes se prépare dès maintenant et nul doute que ces offres d’autopartage finiront – dans un futur relativement proche – par intégrer de tels véhicules, et à terme, fusionner.

Thomas VERSTREPEN

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