TransportShaker

Le blog Transport des consultants de Wavestone

Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) : quelle articulation avec les projets de RER métropolitains ?

Le 27 novembre 2022, Emmanuel Macron annonçait le développement de dix Réseaux Express Régionaux (RER) métropolitains ou Services Express Métropolitains (SEM) en réponse aux enjeux écologiques et économiques qui sont aujourd’hui au cœur de l’actualité. Il est question de développer les transports publics comme alternative à la voiture, mode de transport privilégié en zones périurbaines. Concrètement, il s’agit de soutenir la mise en place d’un équivalent du RER francilien dans dix métropoles françaises (Aix-Marseille, Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Nantes, Nice, Rennes, Strasbourg, Toulouse). Néanmoins, de telles infrastructures sont extrêmement coûteuses en termes de ressources et les projets ne pourront aboutir avant plusieurs années. Pour y remédier, une autre solution semble être envisageable à plus court terme : le Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) ou Bus Rapid Transit (BRT) appelé aussi bus express.

 

Le projet de RER métropolitains ou SEM : ses caractéristiques et les enjeux associés

Un SEM est un mode de transport en commun rapide qui vise à desservir une aire métropolitaine. Dans le contexte de saturation des infrastructures de transport, d’urgence climatique et de baisse du pouvoir d’achat des usagers, il constitue une alternative à la voiture et se présente comme une réponse efficace et adaptée aux grands défis de la mobilité en France.

Le projet de développement de ces SEM repose notamment sur trois principes :

  • Développer l’offre de transport en renforçant le réseau et en optimisant les infrastructures et leur organisation. Ceci passe notamment par le renforcement du nombre de trains en circulation et par l’augmentation de leur fréquence de passage sur une amplitude plus large (notamment le soir et les weekends). L’optimisation de l’organisation des transports implique que les SEM et les réseaux existants (TER, intercités, TGV, métros) soient complémentaires via la création de lignes de SEM dites « diamétralisées » comme il en existe à Paris : à l’inverse des TER dont les terminus sont la plupart du temps dans les métropoles, les RER circulent sur des lignes qui traversent la métropole mais dont les terminus sont situés en banlieue afin de relier les périphéries au centre.
  • Adapter les infrastructures existantes aux besoins de transport notamment en termes de capacité : aménagement des gares, créations de voies supplémentaires, adaptation de la signalisation, etc.
  • Moderniser le système actuel via le déploiement de solutions technologiques qui permettront de créer un réseau de haute performance où les trains pourront circuler à une fréquence plus élevée (à intervalles réguliers et inférieurs à une heure toute la journée).

Ainsi, le développement des RER métropolitains contribuerait à réduire la congestion routière, à améliorer la qualité de vie, à stimuler l’économie et la croissance dans les zones concernées et à réduire l’impact écologique des trajets quotidiens. Ce dernier point est d’autant plus important que l’on sait que les transports sont à l’origine de plus de 30% de l’empreinte carbone de la France (ADEME). Plus particulièrement, les transports routiers sont responsables de plus de 90% des émissions de GES du pays, dont 54% émises par des véhicules particuliers (Ministère de la Transition Ecologique).[1]

Focus : les intérêts du RER métropolitain

Néanmoins, le développement de SEM est un projet très complexe qui nécessite une planification rigoureuse ainsi qu’une étroite coordination entre les différentes parties prenantes (SNCF Réseau, opérateurs de transport, l’Etat, Régions, Métropoles, collectivités territoriales et syndicats). De même, ce projet implique un effort colossal sur le plan financier dans la mesure où le réseau actuel n’a pas la capacité d’accueillir un tel service sans engager de lourds investissements (construction d’infrastructures, achat de matériels roulants, aménagements des gares, modernisation des infrastructures et matériels existants, etc.). Par ailleurs, d’importants coûts de fonctionnement sont à prévoir, d’autant plus que le projet vise à renforcer considérablement l’offre de trains et à réviser le système de tarification (afin que l’on puisse voyager avec un seul titre de transport dans tous les réseaux de l’aire urbaine).

Ainsi, en juillet 2022, le président de la SNCF avait estimé l’investissement nécessaire pour doubler la part du ferroviaire en France à 100 milliards d’euros.

Désormais, onze projets de SEM sont envisagés en France, à des stades plus ou moins avancés. Par ailleurs, d’autres métropoles et agglomérations pourront faire l’objet de développement de services express régionaux dans le futur (Angers, Brest, Besançon, Caen, Chambéry, Clermont-Ferrand, Dijon, Le Mans, Montpellier, Orléans, Pays Basque/San Sebastian/Béarn, Reims, Tours).

Source : Le Moniteur, « Transports – RER métropolitains : quels projets pour quels coûts ? », le 03 Février 2023
Source : Le Moniteur, « Transports – RER métropolitains : quels projets pour quels coûts ? », le 03 Février 2023

 

L’exemple du Réseau Express Métropolitain Européen : le premier RER hors Île-de-France

Le 11 décembre 2022, le premier RER hors Île-de-France a été inauguré. Il s’agissait du Réseau Express Métropolitain Européen (REME) initié conjointement par la région Grand-Est et l’Eurométropole de Strasbourg. Cette zone est marquée par un important étalement urbain qui répond à une forte interaction de la capitale alsacienne avec des pôles plus lointains.

En réponse aux importants trafics routiers et ferroviaires engendrés par cette dynamique, le projet REME prévoyait d’offrir 800 trains supplémentaires chaque semaine sur l’agglomération et plus de 1000 trains supplémentaires par semaine à partir d’août 2023. De même, le plan prévoyait de renforcer la cadence et la fréquence des trains qui circuleraient ainsi sur une amplitude plus large (de 5 heures à 23 heures avec des trains toutes les quinze minutes aux heures de pointe). Les nouveaux trains devaient circuler sur quatre axes principaux autour de Strasbourg et, pour la première fois, le Nord et le Sud de l’agglomération pouvaient être reliés par des trains sans terminus à Strasbourg.

Le projet a nécessité un investissement initial de 700 millions d’euros et les coûts d’exploitation (recettes déduites) s’élèvent à 14,5 millions d’euros par an, répartis de façon égale entre la région et l’Eurométropole.

Source : Bas-Rhin : avec plus de trains en circulation, à quoi ressemblera le Réseau express métropolitain européen (REME) autour de Strasbourg ? (francetvinfo.fr)

Finalement, la complexité du projet n’a pas permis à l’agglomération de tenir sa promesse : seule la moitié des trains initialement prévus pourront circuler avant fin mars 2023 du fait du manque de moyens humains et techniques : par exemple, un système d’affichage en gare inadapté au nouveau cadencement ou encore une incapacité à accueillir un train en gare de Strasbourg toutes les trente secondes, etc. Malgré ces balbutiements, les objectifs de plus longs termes ne sont pour l’instant pas remis en question. Le plan sera cependant implémenté plus progressivement que prévu et des solutions de transition seront mises en place pour améliorer le trafic.

       

C’est ainsi que de nombreux projets sont encore au stade de conception et qu’ils ne pourront être effectifs que dans plusieurs années voire décennies pour certains cas. Cependant, face à la nécessité écologique et à la saturation croissante des pôles urbains, certaines solutions de plus court terme peuvent être envisagées en attendant la mise en service des RER métropolitains. C’est le cas du Bus à Haut Niveau de Service.

 

Dans quelle mesure les BHNS répondent-ils aux objectifs des RER métropolitains ?

Qu’est-ce qu’un BHNS ?

Le BHNS est une adaptation du bus classique visant à proposer une offre de transport de meilleure qualité aux citoyens. Moderne, confortable, efficace et beaucoup moins onéreux que les modes de transports lourds habituels (train, tramway et métro), le BHNS est un véhicule hybride qui allie la flexibilité du bus mais bénéficie de technologies développées pour les tramways (circulation sur site propre, un passage cadencé plutôt que des horaires fixes, véhicules plus longs grâce à l’utilisation de soufflets, priorité sur les autres véhicules, etc.).[2] Ainsi, les caractéristiques du BHNS permettent d’obtenir une fiabilité élevée comme un train, un tramway ou un métro, tout en ayant un coût d’exploitation nettement inférieur.

Source : Article « Le BHNS : Quelle utilisation ? Quel avenir ? » https://www.transportshaker-wavestone.com/wp-content/uploads/2020/03/11.png

Le BHNS : une alternative à la voiture et au train ?

Les SEM ont pour objectif d’offrir la possibilité aux citoyens de se déplacer en transports en commun partout en France, mais aussi d’offrir des alternatives à la voiture individuelle qui soient attractives afin de décarboner les déplacements dans un contexte de congestion routière et d’urgence climatique. Les villes cherchent ainsi à s’engager à mettre en place des réseaux de transports durables, inclusifs et multimodaux.

Or, dans l’idéal, un réseau BHNS offre une alternative qui est :

 

L’exemple du TransMilenio à Bogotá : un service de BHNS semblable à celui d’un RER   

Bogotá n’a pas inventé le concept de BHNS mais l’a développé depuis une vingtaine d’année à un niveau sans équivalent : il s’agit aujourd’hui du plus grand réseau de BHNS au monde et du premier réseau de bus ayant atteint des niveaux de service comparables à un réseau de métros.

Son succès et l’amélioration du bien-être social qui en a découlé sont principalement dus aux moyens dont il a été doté afin d’accueillir un maximum de voyageurs en un minimum de temps : des voies réservées, des bus hypercapacitaires (certains peuvent transporter 250 passagers), des arrêts conçus comme des stations de métros et des rampes pour pouvoir enjamber les croisements sans avoir à ralentir. Ainsi, le TransMilenio transporte chaque jour 2,5 millions de passagers entre 4 heures et 23 heures, soit autant que le RER A et le RER B réunis, et circule à une vitesse moyenne de 26,2 km/h, soit plus du double de celle d’un bus traditionnel et comparable à celle d’un métro ou d’un tramway. En heure de pointe, les stations les plus fréquentées accueillent un bus toutes les deux minutes. Le réseau constitue un maillage complet du territoire en s’étendant via trois types de lignes : des lignes principales, des lignes périphériques permettant de rejoindre les lignes principales et des lignes complémentaires plus récentes.

Ainsi, la ville a réussi à mettre en place un réseau de BHNS efficace qui a su convaincre les automobilistes par l’efficacité de son service. Pour s’adapter aux défis de mobilité actuels (notamment suite à la hausse de la demande), Bogotá prévoit de moderniser et de renforcer son réseau via un plan d’investissement majeur.

Source : A Bogotá, le bus transporte autant de passagers qu’un RER | Les Echos

 

L’hétérogénéité des réseaux de BHNS

Il est cependant assez difficile de réellement comparer une ligne de BHNS à un SEM dans la mesure où leurs caractéristiques dépendent de nombreux paramètres qui sont propres au contexte du réseau dont il est question (type de zones à traverser, nombre de stations et distance entre les stations, fréquences, budget alloué, aménagements et services prévus, etc.). De même, le modèle du BHNS n’est généralement pas aussi ambitieux qu’un SEM notamment en termes de capacité et d’infrastructures et ne peut donc pas le remplacer sans impliquer d’importants investissements, comme cela a été le cas pour le TransMilenio.

Par ailleurs, la flexibilité qui constitue un des principaux avantages du BHNS est aussi ce qui peut le desservir. Le BHNS est effectivement un concept qui laisse une certaine liberté dans la mise en service du réseau (différences au niveau des infrastructures associées, des véhicules du réseau, du niveau d’information des voyageurs, etc.). C’est d’ailleurs ce qui a fait le succès du TransMilenio et ce qui explique l’importante hétérogénéité des lignes de BHNS : les réseaux sont d’une qualité variable pouvant aller d’une ligne de bus améliorée à l’équivalent d’une ligne de tramway.

Ainsi, les systèmes de BHNS doivent réunir certaines conditions pour être véritablement efficaces et bénéfiques, à commencer par un temps de transport limité (qui ne doit pas dépasser plus de 1,5 fois le temps réalisé en voiture individuelle de porte à porte). De même, il faudra y mettre les moyens nécessaires : de nouveaux véhicules en quantités suffisantes, de nouveaux chauffeurs, une augmentation des espaces réservés sur les autoroutes, routes nationales et gares, etc. Par ailleurs, il est important de noter que la création d’une ligne de bus longue distance implique de multiples acteurs et peut nécessiter des investissements lourds en termes d’infrastructures.

Cette solution peut donc s’avérer plus complexe qu’il n’y paraît et son succès dépendra largement des moyens mis en œuvre pour la rendre efficace et attractive.  

 

Le rôle des BHNS dans les projets de SEM

Les projets de SEM sont généralement plus modestes que les RER d’Île-de-France : ils visent à utiliser au maximum les voies existantes, sans devoir casser ni creuser, et à miser sur les autres modes de transport (cars, bus, pistes cyclables, tramway, etc.) pour compléter le réseau lorsqu’il n’y a pas de rails dans le secteur. Ainsi, les lignes de BHNS permettent d’améliorer les connexions entre les métropoles et les territoires limitrophes en proposant un service qui combine fréquence, rapidité et complémentarité avec les autres modes de transport. Le BHNS offre donc, dans une certaine mesure, une réponse aux ambitions et enjeux associés aux SEM.

C’est précisément ce levier qui a été exploité par l’Île-de-France, l’Alsace, Bordeaux et la Bretagne pour mieux connecter les banlieues aux centres-villes et faciliter les trajets domicile-travail.

Un travail sur la multimodalité des transports

C’est lorsque les automobilistes pourront trouver un transport en commun régulier, facilement accessible et fiable, qu’ils réduiront leur usage de la voiture. Les réseaux de transports doivent être conçus en ce sens, et le BHNS est une solution pertinente pour compléter le maillage du réseau de transports. Ainsi, si certains SEM seraient uniquement ferroviaires, d’autres projets sont composés d’un mix (car express régionaux, trains régionaux, etc.) dans le but de construire des réseaux de transport complets et efficients.

Désormais, les villes doivent surtout repenser la façon dont les réseaux de transports et d’infrastructures fonctionnent ensemble dans une logique de multimodalité. Pour ce faire, les métropoles devront intégrer stratégiquement les lignes de transports en commun entre elles, mais aussi avec les autres modes de déplacement (infrastructures cyclables et zones piétonnes) afin de rendre tous les trajets accessibles, sûrs et efficaces.

 

(Sources) Le sujet vous intéresse ? 

  • Chiffres clés du climat : 

Panorama français des gaz à effet de serre | Chiffres clés du climat 2022 (developpement-durable.gouv.fr)

Émissions de CO2 du transport routier | Chiffres clés transport 2021 (developpement-durable.gouv.fr)

  • RER Métropolitains 

RER Métropolitain | Présentation | SNCF RÉSEAU (sncf-reseau.com)

Schéma directeur : étoiles ferroviaires et services express métropolitains : EF&SEM-SD V5 F 06 04 (ecologie.gouv.fr)

RER métropolitains : quels projets pour quels coûts ? (LeMoniteur)

 

Brochure sur les étoiles ferroviaires et les services express métropolitains.pdf (sncf-reseau.com)

RER dans les métropoles : les 10 questions que pose le projet de Macron | Alternatives Economiques (alternatives-economiques.fr)

RER métropolitains : « Un acte majeur de développement du secteur ferroviaire français » (lemonde.fr)

RER métropolitains : entre désir et réalité (lemonde.fr)

Pourquoi les projets de RER métropolitains avancent au ralenti | Les Echos

Faux départ pour le Réseau express métropolitain de Strasbourg (lemonde.fr)

Fiasco du REME à Strasbourg : seule la moitié des 800 trains promis circulera avant la fin mars (francetvinfo.fr)

  • BHNS 

BHNS : QUELLE UTILISATION, QUEL AVENIR ? – TransportShaker (transportshaker-wavestone.com)

Reinventing bus service with Keolis and BRT | SNCF

TransMilenio Bus Rapid Transit Colombia – Inclusive Infrastructure (gihub.org)

A Bogotá, le bus transporte autant de passagers qu’un RER | Les Echos

https://www.cerema.fr/fr/actualites/panorama-detaille-bus-haut-niveau-service-bhns-france

https://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/trajets-domicile-travail-quand-les-bus-express-arrivent-en-ville-951058.html

https://www.projet-rer-m.fr/fiche-projet/plus-de-cars-regionaux/

[1] Il s’agit des chiffres de 2019 publiés par le DataLab du Ministère de la Transition Ecologique en 2022. Les chiffres de l’année 2020 n’ont pas été pris en compte car ils ne sont pas significatifs à cause de l’impact de la crise sanitaire sur les transports.

[2] BHNS : QUELLE UTILISATION, QUEL AVENIR ? – TransportShaker (transportshaker-wavestone.com)

 

 

MAYILIS MICOULEAU

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *