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[Interview] WeTruck : et si on co-camionnait ?

Le covoiturage a connu ces dernières années une croissance exponentielle. A l’instar de Blablacar, leader incontesté, nombreux sont les acteurs présents sur le marché : IDVROOM, covoiturage-libre, Sharette… Néanmoins, malgré l’offre pléthorique de trajets, la couverture de certaines zones françaises reste encore limitée. Et pourtant, des milliers de camions (des poids lourds aux véhicules plus légers) circulent sur les routes tous les jours. Pourquoi les particuliers n’utiliseraient-ils pas les places disponibles dans ces véhicules ? C’est ainsi qu’est née l’idée de WeTruck. Pour vous présenter ce service résolument novateur, TransportShaker a rencontré son fondateur, Victor Clément.

Pour commencer, pourriez-vous nous décrire en quelques mots ce service ?

WeTruck est une solution de transport qui permet à des particuliers de voyager dans la cabine des camions. Nous mettons en relation des transporteurs avec des voyageurs grâce à un site internet dédié : https://www.wetruck.fr/. Nous avons développé une version responsive afin qu’il soit accessible depuis un smartphone, une tablette ou un PC avec un affichage optimisé.

Le principe du site est simple : les entreprises publient des trajets et les particuliers sélectionnent celui qui les intéresse parmi l’offre proposée. Une fois le trajet réservé, le transporteur reçoit un SMS et un mail de confirmation et prévient son chauffeur afin qu’il dispose de toutes les informations nécessaires pour assurer son co-camionnage. L’argent est versé à la société de transport. Libre à elle de récompenser ou non son chauffeur.

Comment vous est venue l’idée ?

C’est parti d’une expérience personnelle. Je passais un week-end à Orléans et je devais me rendre dans une petite ville de l’Yonne. J’ai consulté le site internet de la SNCF et les plateformes de covoiturage mais aucun trajet n’était vraiment pratique. Et une majeure partie de ces derniers nécessitaient de repasser par Paris… J’ai finalement choisi l’option du covoiturage. Pendant le voyage, j’ai été frappé par le nombre important de poids lourds qui circulaient. Sur le ton de la plaisanterie, je me suis fait la réflexion que j’aurais mieux fait de venir en camion. Finalement, l’idée a fait son chemin et je me suis dit qu’il y avait quelque chose de résolument sérieux à exploiter. Parallèlement, j’avais envie de monter mon entreprise alors je me suis lancé dans l’aventure.

Selon vous, quels sont les avantages concurrentiels de WeTruck par rapport au covoiturage ?

Tout d’abord, le prix est légèrement inférieur : on est sur une fourchette de 5-6€ aux 100 kilomètres. Ensuite, nous proposons un réseau complémentaire par rapport aux réseaux traditionnels couverts par le train, le bus ou le covoiturage. En effet, beaucoup de voyageurs ont aujourd’hui des besoins de mobilité non couverts. Nous proposons des trajets dans des zones peu ou pas desservies par les acteurs cités précédemment, et notamment de province à province sans la nécessité de repasser par Paris, et vers les aéroports (déjà quatre trajets quotidiens « Rouen – Aéroport de Beauvais » et deux trajets « Caen – Rouen – Roissy CDG »). De plus, les transporteurs de marchandises voyagent jour et nuit. L’utilisateur n’est donc pas cantonné aux trajets diurnes.

La qualité de confort est, elle, nettement supérieure à celle d’une voiture. En outre, les cabines des camions sont conçues pour la longue distance, ce qui rend le trajet nettement plus agréable pour les particuliers. La configuration des camions leur permet aussi de voyager un peu plus chargés (sacs lourds et vélos sont autorisés).

Enfin, les chauffeurs sont des conducteurs aguerris. Ils souffrent souvent d’une mauvaise image auprès du grand public alors ils voient dans ce nouveau service une opportunité de partager leur passion, parler de leur métier et ne plus voyager seuls.

Vous avez des cibles prioritaires ?

Nous ciblons principalement les transporteurs routiers effectuant des trajets réguliers (flux de messagerie, flux industriels…). En effet, plus le volume de trajets est important, plus cela nous intéresse. Néanmoins, nous ne mettons pas de barrière à l’entrée car plus notre offre est diversifiée, plus les voyageurs trouveront le voyage adapté à leurs besoins. Nous avons à ce jour 50 transporteurs référencés sur notre site et 1000 trajets proposés ce mois-ci. On travaille beaucoup avec des PME normandes parce que nous sommes basés dans la région mais nous avons rencontré ces derniers mois de nombreux groupes qui sont séduits par l’idée.

Quant aux particuliers, ils sont surtout intéressés par le service pour leurs trajets de week-ends et vacances donc c’est avant tout du loisir. Nos visiteurs ont des profils variés, difficile de définir un utilisateur-type de WeTruck! Encore une fois, nous n’avons pas de cible prioritaire parce que traditionnellement, les personnes faisant du covoiturage sont plutôt les jeunes mais on s’est rendu compte que certaines personnes non adeptes de ce type de solutions seraient prêtes à faire du co-camionnage parce qu’ils se sentent plus en sécurité avec un chauffeur dans une cabine de camion qu’avec un covoitureur…

Quelles difficultés avez-vous rencontré ?

Nous n’avons pas de concurrents directs donc sur ce point, nous n’avons pas eu de difficulté particulière. Néanmoins, la concurrence indirecte est forte : toutes les solutions de mobilité (train, bus, voiture) sont envisagées par les utilisateurs.

Par rapport à la législation française, il a fallu prouver que le concept était légal. Ensuite, nous avons eu à déterminer le cadre de notre activité. Pour cela, nous avons rencontré beaucoup d’avocats et de spécialistes du sujet. Nous nous inscrivons dans le cadre légal du covoiturage (« trajet commun dont le flux financier correspond à du partage des frais de route »). Enfin, il s’agissait de déterminer qui était responsable en cas de dommage : compte tenu du cadre légal, le passager est couvert par l’assurance du transporteur.

Depuis cet été, le transport routier de voyageurs a été très fortement impacté par l’ouverture à la concurrence du marché national de liaison par autocars, avec des offres à petits prix. La cible semble similaire à celle de WeTruck : est-ce une menace pour l’expansion de votre service ?

Au contraire, c’est un signal positif. Cela veut dire que si des gens sont prêts à payer moins cher (quitte à passer plus de temps sur la route), notre positionnement est cohérent. On s’est finalement rendu compte avec l’ouverture du marché national du car que les particuliers avaient des besoins qui n’étaient pas couverts jusque là : il y a avait donc tout un marché pour lequel il y avait une demande mais aucune offre.

Mais pour le car comme le co-voiturage, il est parfois compliqué de trouver certaines liaisons (vers des petites villes notamment) aux horaires qui nous intéressent. Côté train, le réseau régional est développé mais les trajets sont souvent compliqués et les connexions longues. Le co-camionnage s’avère alors adapté.

Enfin, quelles sont les prochaines étapes pour votre entreprise ?

Cela fait un an que j’ai commencé le projet. Au départ, on ne savait pas si c’était possible. Aujourd’hui, on se rend compte que ça l’est et que ça intéresse à la fois les transporteurs et les particuliers. A présent, nous souhaitons atteindre un volume critique de trajets. Nous sommes fortement présents en Normandie et un peu en Ile-de-France. La prochaine étape pour nous est de nous développer dans les régions à fort trafic telles que Rhône-Alpes, Aquitaine ou encore PACA. Pour cela, nous avons besoin de trouver des financements et de recruter des collaborateurs.

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