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La Chine et le rail épisode 3 : la saison des mariages

Le 1er juin dernier, un mariage un peu particulier a eu lieu dans l’empire du milieu : China North Rail Corporation (CNR) et China South Rail Corporation (CSR), les deux principaux constructeurs ferroviaires chinois, ont finalement fusionnés.

Ces constructeurs  fabriquent et assemblent du matériel roulant ferroviaire (locomotives, rames, voitures… pour les trains, métros et tramway) mais produisent aussi des pièces détachées ou des équipements fixes (signalisation, rail…). Ils sont prestataires d’entreprises ferroviaires, de gestionnaires de réseaux,  d’entreprises de travaux ferroviaires ou d’entreprises de location de matériel roulant en Chine et dans le monde.

Le chiffre d’affaires de la nouvelle entité issue de cette fusion dépassera les 20 milliards d’euros, soit plus de 4 fois celui d’un Siemens Transport Systems (4,5 milliards d’euros) et plus de 3 fois celui d’un Alstom transport (5,9 milliards d’euros). Mais que peut changer cette fusion dans l’écosystème ferroviaire mondial?

Retour sur l’histoire des chemins de fers chinois

Chinese Sign for biography, memoirEn 1986, le ministère du transport ferroviaire fonda le LORIC (Locomotive & Rolling Stock Industry Corporation), une entreprise d’Etat chargée de construire l’ensemble du matériel roulant sur le réseau chinois. En 2000, le LORIC s’est séparé en deux sociétés d’état concurrentes : la China Beiche Group (future CNR) d’une part, et le LORIC -qui se séparera totalement de son ministère de tutelle pour devenir la CSR en 2002- d’autre part.

Jusqu’en 2009, et l’ouverture de la première ligne de TGV en Chine (Wenzhou-Fuzhou Railway) ces deux entreprises se partageaient quasiment à part égales le marché de la construction ferroviaire d’un des plus grands réseaux au monde (87 000 km de lignes ferroviaires « classiques »). Depuis cette date, les deux compagnies se livrent aussi une bataille féroce pour conquérir les 13 000 km de lignes à grandes vitesse construites entre 2009 et 2014 sur le réseau national.

Fin 2014, le gouvernement chinois a annoncé la fusion de ces deux compagnies concurrentes afin de faire émerger un géant mondial de la construction de matériel roulant et d’attaquer ainsi le marché international. Il aura fallu attendre le 1er juin dernier pour que cette nouvelle entité, baptisée China Railway Rolling Stock Corporation (CRRC), soit officialisée. Et il va sans dire que ses ambitions sont colossales….

Un nouveau géant du rail débordant d’ambition

La grande vitesse en Chine est en plein boom (+22% sur 1 an). Sur les quatre premiers mois de l’année 2015, le ministère a investi plus de 2 milliards d’euros pour l’achat de matériels roulant. Toutefois, ce marché en plein essor ne suffit pas au nouveau géant du rail…. qui rêve d’élargir ses horizons.

Mais la simple envie d’ailleurs ne suffit pas. En effet, dans le secteur des constructeurs ferroviaires, la spécificité des normes (techniques, réglementaires, juridiques…) de chaque pays, donne un avantage quasi déterminant au constructeur sortant et constitue une vraie barrière à l’entrée pour les nouveaux acteurs.

Mais cette réalité ne dissuade en rien CRRC. Sa stratégie a été clairement énoncée et s’axe autour de deux cibles prioritaires : l’Amérique du Sud et l’Europe, avec pour « VRP de luxe » le président chinois en personne.

L’Amérique du Sud : le boom d’urbanisation

south america stampL’Amérique du Sud est le premier territoire que souhaite conquérir CRRC. Ce continent en plein essor investit massivement dans les infrastructures de transport. En effet, c’est l’une des régions les plus urbanisées au monde avec 75 % d’urbains, et 84% en 2030 d’après les estimations des Nations Unies.

En Amérique latine, la tendance est à la création de grandes mégalopoles au détriment des autres villes de la région, d’où le besoin de connexions à grande  vitesse pour relier ces grandes métropoles.

Un premier projet, et pas des moindres, a été lancé fin mai permettant à la Chine de mettre un pied dans le marché sud-américain du rail. La Chine et le Pérou se sont entendus pour étudier ensemble la faisabilité de la construction d’une ligne de chemin de fer de 5.300 km de long qui relierait la côte pacifique du Pérou à la côte atlantique du Brésil. En termes de distance c’est l’équivalent d’un aller-retour Paris-Moscou!

L’accord a été conclu pendant la visite au Pérou du Premier ministre chinois Li Keqiang, dans la foulée d’un accord similaire avec le Brésil quelques jours plus tôt.

L’Europe : le marché le plus concurrentiel

europeL’autre territoire dans le viseur du géant chinois est l’Europe. Bien que le marché européen soit l’un des plus concurrentiels au monde dans le domaine du transport, c’est également l’un des plus porteurs. En effet, ce territoire a la particularité de vouloir imposer des normes d’exploitation communes à tous ses pays membres.

La stratégie de CRRC est d’obtenir une première implantation dans l’un de ces pays afin de se familiariser aux normes de la zone européenne pour ensuite valoriser cette connaissance lors de futurs appels d’offres. Nous avions notamment déjà évoqué le souhait de la Chine de construire une ligne à grande  vitesse reliant le port du Pirée à l’Europe centrale .

Ce n’est pas la première tentative d’implantation en Europe puisque l’an dernier, CSR s’était portée – en vain-  candidate au rachat d’Ansaldo, constructeur italien de premier plan.

Mais l’implantation de CRRC en Europe pourrait se concrétiser dans les mois qui viennent : l’opérateur ferroviaire allemand, Deutsche Bahn, envisagerait d’acheter des trains et pièces détachées en provenance de Chine, ce qui ferait les affaires de CRRC. La Deutsche Bahn devrait, pour cela, ouvrir un bureau d’achat à Beijing dès cet automne.

La concurrence s’organise mais est-ce suffisant ?

La concurrence mondiale des constructeurs ferroviaires s’organise et on constate qu’un véritable phénomène de concentration des acteurs est en marche.

Le groupe Ansaldo, que nous évoquions plus haut, a finalement été racheté par Hitachi, le célèbre constructeur du Shinkansen. Cela a permis au japonais de disposer en Europe d’une véritable tête de pont sur le marché du matériel roulant. De même, Siemens a fait l’acquisition de l’anglo-espagnol Invensys, l’un des leaders de la signalisation ferroviaire et une partie du capital de la branche transport de Bombardier a été ouvert sur les marchés financiers.

Toutefois, le groupe français Alstom Transport a encore une carte à jouer. Il vient en effet d’acquérir la branche « signalisation » de Général Electric, de décrocher un contrat de 72 millions d’euros pour la vente de ses tramways Citadis en Chine  et est encore en lice pour l’énorme contrat de train à grande vitesse liant Moscou à Kazan, que nous avions évoqué précédemment. Fort de ces bonnes nouvelles, Henri Poupart-Lafarge, Président du secteur Transport d’Alstom se permet même de préciser que « notre taille ne nous empêchera pas de prendre tous les contrats qu’on veut ».

Rousl4neSaDaoui

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