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Le Grand Paris des bus

Nous y sommes enfin ! Il aura donc fallu attendre 70 ans pour que la RATP et Ile-de-France Mobilités (anciennement le STIF) tombent d’accords sur un plan de restructuration du réseau de bus en Ile-de-France. Valérie Pécresse, Présidente du syndicat de transport et de la région Ile-de-France a lancé pendant l’été dernier un plan qui s’annonce comme un bigbang pour les transports en Ile-de-France. Ce plan ambitieux prévoyait une injection de budget à hauteur de 30M€ dès 2017. La présidente de la région ne cache d’ailleurs pas la forte ambition de ce dernier qu’elle annonce comme une véritable refonte du réseau : « Notre plan bus, c’est aussi une refonte complète du réseau parisien, lequel n’a quasiment pas bougé depuis sa conception dans l’après-guerre [1945-1951]. Des tracés seront modifiés, des lignes en doublon fusionnées… Surtout, nous allons créer plusieurs dizaines de nouvelles lignes de bus en Île-de-France d’ici à 2020, peut-être même une centaine ! ». Transport Shaker revient pour vous sur le cheminement qui a abouti à ce plan et les grandes lignes d’un bouleversement qui pourrait devenir un axe majeur du Grand Paris.

Un réseau dont la structure ne répond plus aux attentes des franciliens

Selon l’Insee, en près de 70 ans, la population de la première région de France a quasiment doublé, passant de 6,6 millions d’habitants en 1946 à près de 12 millions en 2014. Une projection effectuée par l’IAU (Institut d’Aménagement et d’Urbanisme d’Île de France) table sur une hausse de 16% de la population d’ici à 2040, ce qui porterait le nombre d’habitants de la région à près de 13,93 millions.

 

Par ailleurs, la localisation de ces habitants au sein de la région à complètement évoluée. En 1968, 28% des Franciliens habitaient à Paris intra-muros, ils ne sont plus que 18% aujourd’hui. Plus impressionnant encore, alors que la population du département parisien a baissé de 14% entre 1968 et 2014, celle des 7 autres départements d’Ile-de-France a augmenté de 47% !

En plus de ces données statistiques, le STIF a organisé entre octobre et novembre 2015, une consultation auprès de 200 élus, opérateurs, représentants de collectivités et de voyageurs pour faire un état des lieux de la situation. Près de 2500 franciliens ont accepté de répondre à un questionnaire sur internet faisant ainsi ressortir trois priorités :

  • Des lignes moins surchargées
  • Des territoires mieux desservis
  • Des bus circulants aux heures creuses, en soirée et le week-end

Les chiffres fournis par le STIF nous permettent de faire plusieurs constats. 63% des déplacements se font de Paris à Paris et 37% sur le reste de l’Ile-de-France. Pourtant, le réseau de la région parisienne est plutôt équilibré si l’on compare le nombre de lignes et le nombre d’habitants à Paris et en banlieue. Ainsi 60 lignes se situent principalement sur Paris intra-muros tandis que 353 se situent en banlieue parisienne. Il y a un rapport de 16% des lignes de bus pour 18% de la population de la région, cela parait plutôt cohérent. Mais alors pourquoi une telle différence dans le nombre de déplacements effectués en banlieue et à Paris ? Il semblerait que les habitants de banlieue favorisent assez significativement d’autres moyens de transport que le bus pour se déplacer.

La boucle est bouclée, les priorités remontées par les franciliens et les chiffres du réseau laissent à penser que les habitants des départements limitrophes à Paris ont délaissé le bus pour d’autres moyens de transport, moins surchargés et à la desserte et aux horaires plus adaptés à leurs besoins.

Ce réseau surexploité, non adapté aux habitudes de vie des franciliens se doit de faire peau neuve, et tout particulièrement pour les habitants de banlieue.

Le remaniement conséquent porté par Ile-de-France Mobilités et la Mairie de Paris

Fin juin 2017, le nouveau plan du réseau de bus RATP est annoncé par Valérie Pécresse. Il prévoit la création de quatre nouvelles lignes et la modification de 46 lignes sur les 60 du réseau parisien. L’étude approfondie de cette nouvelle carte du réseau permet d’identifier 3 grands gagnants de ce plan de transformation.

En premier lieu, c’est le Nord-Est de la capitale à qui profitera le plus ce nouveau plan. Notamment grâce à la modification du tracé de la ligne 20 qui passera dorénavant du côté de Belleville ou encore à la création d’une ligne 71 qui reliera la porte de la Villette à la bibliothèque François Mitterrand.

En deuxième lieu, ce sont les bois de Vincennes et de Boulogne, jusqu’ici mal desservis qui verront leur desserte améliorée. En effet, la ligne 70 (Châtelet à Maison de la radio) se voit prolongée jusqu’à Suresnes, traversant ainsi le bois de Boulogne. La ligne 43 (Gare du Nord à Neuilly Bagatelle) permettra également de se rendre au bois de Boulogne puisque cette dernière va être prolongée jusqu’à l’hôpital Ambroise Paré de Boulogne. Le bois de Vincennes se voit également gagner en accessibilité puisqu’il sera directement desservi par une des nouvelles lignes créées, la 77 (Gare de Lyon à Joinville-le-Pont).

Le troisième principal gagnant est la proche banlieue parisienne. En effet, parmi les 23 lignes banlieue – Paris, 6 voient leur desserte évoluer au bénéfice de la banlieue. Ainsi la ligne 163 (Nanterre Préfecture – Porte de Champerret) se voit prolongée jusqu’à Pont Cardinet. Surtout, ce sont 3 nouvelles lignes qui viennent améliorer l’accessibilité des villes de la petite ceinture, la 45 (Concorde à Aubervilliers / Saint-Denis), la 59 (Place d’Italie à Percy-Clamart) et la 77 (Gare de Lyon à Joinville-le-Pont).

Autre constat de ce nouveau plan du réseau, la densité des lignes des arrondissements du centre parisien (1er, 2ème, 3ème, 4ème, 5ème, 6ème, 7ème, 8ème) se voit allégée au bénéfice de celle des arrondissements périphériques (12ème, 13ème, 14ème, 15ème, 16ème, 17ème, 18ème, 19ème, 20ème). En y regardant de plus près, cette modification parait logique, les quartiers périphériques de Paris ayant longtemps été délaissés, notamment ceux du nord-est parisien (19ème, 20ème), au profit du centre ou certaines lignes sont quadruplées !

Malgré de nombreuses évolutions et une attention particulière donnée à la desserte Paris – Banlieue, certaines voies s’élèvent pour dénoncer les dérives d’un plan jugé peu en phase avec les attentes des franciliens et surtout très optimiste en termes de délais de mise en place.

Des évolutions critiquées et un planning resserré

A tout projet d’envergure, son lot de critiques. Plusieurs observateurs s’insurgent contre une transformation qui n’est pas à la hauteur des enjeux. En termes de délais, l’échéance de fin 2018 parait plus qu’ambitieuse pour mener à bien ce projet. Les travaux de restructuration mais également d’adaptation de la voirie semblent avoir été sous-estimés par les autorités en charge. Cependant, la Mairie de Paris affirme qu’elle respectera les échéances fixées.

« L’échéance de mise en œuvre de la restructuration est bien septembre 2018. La Ville de Paris réalisera en 2017 et en 2018 les aménagements de voirie nécessaires pour mener à bien ce projet dans les temps, afin d’amplifier le programme qu’elle a initié en 2016 sur le trajet de la ligne 72. Il n’est pas question d’un report à 2019, et encore moins à l’automne 2019. »

Christophe Nadjowski, Adjoint au Transport à la Marie de Paris

Par ailleurs, certains problèmes structurants du réseau n’ont pas le moment pas été traités. Ainsi les trois lignes les plus saturées du réseau (62, 26, 60) ne subissent aucune évolution. De plus, certains tracés semblent difficilement compréhensibles notamment en raison de différenciation forte des trajets allers et retours (32, 39, 58, 67, 69, 75, 85). Ainsi certains bus qui desservent à l’aller une gare parisienne n’y repasse pas au retour. Ces quelques irrégularités ou contraintes auxquelles ont dû faire face la Mairie de Paris et la RATP font perdre en lisibilité globale du réseau.

Bien que critiquable, ce plan de structuration s’annonce comme une véritable révolution pour les transports publics par bus en Île-de-France et tout particulièrement pour la petite couronne parisienne. Bien que le timing soit serré, l’ambition de réconcilier les franciliens des villes limitrophes à Paris avec le bus est belle et bien présente. Malheureusement, les conséquences positives de ces évolutions se limitent à Paris intra-muros et à la banlieue proche. Encore une fois, les habitants de banlieue plus lointaine semblent mis à l’écart de ce qui s’annonce comme un chantier primordial en vue d’accueillir les Jeux Olympiques en 2024 à Paris.

TheoSC4LB3RT

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