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Le train : joker écologique ultime du transport européen ?

Selon l’International Energy Agency (IEA), les transports généraient 24,4% des émissions de CO2 à l’échelle mondiale en 2016. Alors que des centaines de scientifiques tirent la sonnette d’alarme pour alerter sur les conséquences du dérèglement climatique lié à l’activité humaine, la tendance est des plus inquiétantes.

Selon Planète Énergies, sans mesures ambitieuses pour limiter l’impact du secteur, les émissions de CO2 liées aux transports pourraient augmenter de 60% d’ici 2050 par rapport à leur niveau de 2015. De même, selon les estimations de l’Association internationale du transport aérien (IATA), le trafic aérien est en passe de doubler d’ici 2037. De fait, face à l’ampleur de la crise environnementale actuelle, l’un des principaux enjeux en matière de transport est de développer et de privilégier les solutions les plus décarbonées.

Au sein de l’Union Européenne, un grand nombre de connexions transfrontalières s’effectuent grâce à l’avion. Mais face à l’ampleur de la crise écologique, il semble clair que de nouveaux modèles de mobilité doivent émerger. Dans ce contexte, le transport ferroviaire peut-il être le « joker » écologique du transport européen ?

Des trajets ferroviaires interpays fastidieux

En premier lieu, il est important de souligner qu’il existe dans nombre de pays d’Europe de bonnes connexions ferroviaires internes. Pourtant, lorsqu’il s’agit de voyager à l’étranger, les usagers doivent faire face à de nombreux obstacles. Lorsque les liaisons interpays existent, le temps de trajet est évidemment souvent plus long qu’en avion (comptez environ 6h30 de train pour vous rendre à Barcelone depuis Paris, contre 1h45 en avion). Mais c’est surtout le prix qui peut laisser songeur. Il n’est en effet pas rare que le prix d’un aller-simple en train soit du même ordre de grandeur qu’un aller-retour en avion, voire même plus coûteux ! De fait, diminuer l’impact environnemental de ses voyages intra-européens a aujourd’hui un coût financier non négligeable.

Un autre obstacle de taille, pour les voyageurs qui souhaitent aujourd’hui privilégier le train par rapport à l’avion, concerne la réservation même des billets. En effet, il n’existe à ce jour aucune plateforme de réservation intégrée pour les billets de train européens. Les usagers doivent donc reconstituer leur itinéraire et utiliser les plateformes de réservation nationales pour leurs trajets à l’étranger.

Par ailleurs, la fréquence des trajets constitue un autre frein notable. Il n’y a ainsi que deux liaisons journalières Paris-Milan, et il vous faudra partir au plus tard à 14h si vous désirez vous rendre à Barcelone, car c’est l’horaire de la dernière liaison quotidienne.

Une meilleure coordination entre les différentes compagnies de train européennes au sujet des horaires permettrait en outre de réduire le temps de correspondance, et ainsi d’optimiser les temps de trajet. À ce sujet, des projets sont sur les rails…

Une prise de conscience européenne ?

Le 7 mai 2019, la société nationale suédoise en charge du rail, SJ, a révélé qu’elle comptait améliorer les connexions ferroviaires entre la Suède et l’Europe continentale. Pour ce faire, l’entreprise a annoncé qu’elle souhaitait adapter les horaires de ses trains afin qu’ils soient mieux alignés avec les départs transfrontaliers. Cette annonce intervient dans un contexte inédit de rejet de l’avion par une part croissante des citoyens suédois. Le « flygskam » (littéralement « la honte de prendre l’avion ») a entraîné une nette diminution du nombre de passagers, une première depuis 10 ans. Leur nombre a ainsi décliné de 4,4% en un an, et même de 5,6% en ce qui concerne les vols intérieurs.

Par ailleurs, on assiste dans de nombreux pays d’Europe à un militantisme croissant pour le retour des trains de nuit. Mythiques, ces trajets ont marqué les vacances de nombreux citoyens européens et restent gravés dans les mémoires. Surtout, ils peuvent constituer une alternative écologique crédible aux trajets en avion, dans la mesure où un trajet de 7h est largement supportable lorsque l’on dort.

Ainsi, en France, une pétition sur le site change.org, pourtant parue il y a plusieurs années, a refait surface ces dernières semaines. Plus de 120 000 personnes ont signé cette pétition pour réclamer une relance des trains de nuit. Toujours en Suède, le ministre des infrastructures Tomas Eneroth a annoncé le 31 mars dernier qu’une enveloppe spéciale serait débloquée pour développer les lignes de nuit à destination de l’Europe continentale. Au Royaume-Uni enfin, le service de trains « Caledonian Sleeper », qui relie Londres à l’Écosse, a fêté l’inauguration de ses nouveaux trains de nuit au printemps 2019.

Mais en définitive, si une réelle dynamique semble s’amorcer, rien ne se fera sans une véritable volonté politique européenne.

La nécessité d’une « Europe du ferroviaire »

Au sein de l’Union Européenne, il y a encore une trop grande hétérogénéité dans les politiques ferroviaires, qui sont souvent guidées par une stratégie nationale. Au parlement européen, les Verts suédois défendent avec ferveur la création d’une véritable stratégie européenne, commune, pour le ferroviaire. Premier pas en ce sens, le parlement européen a voté en novembre 2018 l’ouverture des systèmes de billetterie. Le texte doit être validé prochainement par le Conseil des ministres de l’Union Européenne. Cette mesure permettrait d’alléger considérablement le processus de réservation de billets de train en Europe, et de rendre de fait le train plus compétitif avec l’avion.

Par ailleurs, il convient de ne pas oublier que de lourds investissements seront indispensables pour financer la création de nouvelles lignes ferroviaires transnationales, la modernisation du réseau existant ou encore le développement des trains de nuit. Pour soutenir les efforts financiers nécessaires à la réalisation de ces « grands chantiers », les Verts suédois ont également émis l’idée d’une taxe européenne sur l’aérien. En plus de faire contribuer financièrement le secteur aéronautique pour compenser sa lourde empreinte environnementale, cette taxe permettrait de rééquilibrer le rapport de force concurrentiel entre le train et l’avion sur les trajets intra-européens.

 

En définitive, le train pourrait apporter une réponse crédible à l’urgence écologique à laquelle notre société est confrontée. Un nombre croissant de citoyens souhaitent avoir une mobilité responsable. Mais cela nécessite que les Etats créent les conditions et les incitations pour que se développent les alternatives à l’aérien.  De fait, si l’Union Européenne entend atteindre ses objectifs environnementaux et s’affirmer comme un modèle à l’échelle internationale, elle devra s’engager rapidement, et ambitieusement, dans la définition d’un nouveau modèle de mobilité pour peut-être devenir la locomotive d’un monde plus durable.

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