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L’open rotor sera-t-il l’avenir des moteurs d’avion ?

La prise de conscience des problématiques environnementales est actuellement au cœur des débats en Europe. Pour y faire face, l’Union Européenne se fixe des objectifs ambitieux en termes de réduction d’émissions polluantes, notamment dans le secteur des transports.

En 2001, le Conseil Consultatif européen de la Recherche Aéronautique (ACARE : Advisory Concil for Aeronautical Research) a vu le jour. Il a pour mission de développer et mettre en place une approche stratégique pour la construction de la prochaine génération d’avions européens, et vise à faire de l’Europe un leader global dans le secteur de l’aéronautique en développant un avion plus sûr, moins bruyant et moins polluant.

L’open Rotor : un nouveau type de motorisation

Afin d’atteindre les objectifs européens, l’industrie aéronautique doit relever des défis d’ingénieries importants et ambitieux. Ainsi, en 2008, l’U.E et la quasi-totalité des industriels du continent se sont associés au sein d’une initiative technologique conjointe : le programme « Clean Sky ». Son but est de réduire, d’ici à 2020, les émissions de CO2 des aéronefs de 50 %, celles de NOx de 80 % et la pollution sonore de 50 %.

2La SNECMA, filiale du groupe français Safran spécialisée dans la conception de moteurs d’avion, s’implique dans ce programme en tant que responsable du projet SAGE II qui concerne l’Open Rotor. Aussi appelé soufflante non carénée ou propfan, l’Open Rotor est un turboréacteur qui marque une rupture technologique avec les turboréacteurs actuels et qui pourrait équiper les futures générations d’avions mono-couloir court et moyen courriers. Contrairement aux turboréacteurs qui équipent les avions d’aujourd’hui, dont l’ensemble des composants, y compris les hélices du fan se trouvent à l’intérieur d’une nacelle (carénage), l’Open Rotor est constitué de deux grandes hélices contrarotatives tournant à l’air libre, c’est-à-dire à l’extérieur de la nacelle.

Cette configuration permet un diamètre plus important des pales permettant l’augmentation de la quantité d’air froid brassé qui génère la majeure partie de la poussée. Cette architecture à double hélices permet ainsi d’obtenir un meilleur rendement. Pourquoi deux hélices ? La première rangée de pales permet de générer la majeure partie de la poussée tandis que la deuxième redresse le flux d’air et contre les efforts de rotations. In fine, cette technologie permet d’augmenter le rendement propulsif et de réduire de 20% à 30% la consommation de carburant.

Un projet de longue date

Malgré son architecture innovante l’Open Rotor est un projet datant du siècle dernier. En 1986, le premier prototype GE 36, développé par General Electric et la Nasa a effectué son premier vol. Ce propfan avait été réalisé au lendemain du premier choc pétrolier et l’envolée des prix du baril de pétrole, d’où un intérêt fort à la réduction de la consommation. Le prototype a démontré des résultats très prometteurs pour l’époque mais une mise en série n’a jamais été initiée. En effet, le choc pétrolier n’était alors plus au cœur de l’actualité et les turboréacteurs classiques demeuraient plus performants et plus intéressants pour les acteurs du secteur aéronautique.

Dans le cadre du projet SAGE II, la SNECMA a réalisé un prototype de dernière génération à l’échelle 1/5 qui a été testé au sein de la soufflerie de l’ONERA. L’objectif était notamment d’améliorer les problèmes de pollution acoustique, importants du fait de la présence des hélices à l’extérieur de la nacelle.

airplane-jet-aviation-aircraftLa prochaine étape du programme est la construction à taille réelle d’un prototype qui réalisera courant 2016 des rotations sur un banc d’essai. L’Open Rotor étant un moteur avec de nombreuses ruptures technologiques ; il nécessite le développement, en parallèle, d’autres technologies innovantes. Ces essais permettront de valider ces technologies en fonctionnement, et de tester le nouveau module propulsif, alors équipé de ces dernières.

L’étape suivante, et non des moindres, sera de faire voler un prototype sur un Airbus A340 à l’horizon 2020, pour une possible mise en service à partir de 2030 si cette technologie est choisie pour équiper les futurs avions mono-couloirs.

Un avenir incertain

Bien que l’Open Rotor soit un projet de longue date, dont le développement est déjà bien avancé, son avenir demeure incertain pour diverses raisons.

Tout d’abord, avant de passer à des motorisations dites « du futur », les industriels tels que la SNECMA restent focalisés sur leurs appareils propulsifs actuels. En effet, les dernières générations (moteur LEAP) qui permettent d’ores et déjà des réductions importantes de consommation et qui peuvent encore être optimisées dans les années à venir, restent la priorité.CFM_56_Lauda_737

De plus le développement de l’Open Rotor impliquerait une évolution importante dans la conception même des aéronefs. En effet, du fait de l’encombrement de ce concept (diamètre d’environ 4 mètres), cette motorisation ne pourrait pas être disposée sous les ailes, et devra être accrochée à l’arrière de l’appareil. Ce choix impliquerait une collaboration très forte, et par conséquent contraignante, entre motoristes et avionneurs ainsi qu’une révolution de l’aéronautique.

Enfin, l’Open Rotor n’est pas l’unique option sur laquelle les industriels misent l’avenir. En effet d’autres alternatives sont à l’étude comme par exemple un nouveau turboréacteur caréné à fort taux de dilution, dont l’architecture est plus commune.

Pour résumer, bien que prometteuse, la technologie de l’Open Rotor n’est pas encore certaine de voir le jour en 2030. Les avantages et les gains en consommation doivent être suffisamment importants et intéressants pour justifier que l’industrie aéronautique opte pour ce choix. Voilà pourquoi les motoristes demeurent très prudents. Toutefois, nous devrions rapidement être fixés sur ce choix car la SNECMA décidera entre 2017 et 2020 de développer ou non l’Open Rotor pour une utilisation série à l’horizon 2030.

Maxime FRIGOLA-ESCOLASTICA

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