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Le bioGNV, un carburant pour décarboner le secteur du transport ?

Qu’est-ce que le bioGNV ?

Le bioGNV, bioGaz Naturel pour Véhicules, est un carburant renouvelable utilisé dans les transports. Il est une alternative au GNV, Gaz Naturel pour Véhicules, issu du gaz naturel.

Le gaz naturel, constitué quasi-essentiellement de méthane, est présent naturellement dans certaines roches dans des zones spécifiques à travers le monde. Son extraction nécessitant de lourdes installations de forages, il est considéré comme une énergie fossile. Après adaptation pour être transporté dans le réseau de gaz, ce gaz peut être utilisé pour le chauffage des logements, le chauffage de l’eau sanifaire ou encore comme carburant dans le transport routier. On parle alors de GNV.

Le biogaz est considéré comme la version renouvelable du gaz naturel, et le bioGNV comme la version renouvelable du GNV. En effet, le biogaz est produit majoritairement par un processus de dégradation de déchets organiques, appelé méthanisation.

Les déchets organiques qui peuvent être utilisés pour la méthanisation sont entre autres : les déchets de l’industrie agroalimentaire, les résidus de repas de la restauration collective, les biodéchets, les déchets agricoles (lisiers, fumiers), les ordures ménagères ou encore les boues de stations d’épuration.

Schéma du cycle de vie du bioGNV (Gaz-mobilité)

Ces déchets sont collectés, puis triés et envoyés dans un grand réservoir hermétique appelé méthaniseur. A l’intérieur se produit la digestion anaérobie, c’est-à-dire sans oxygène, par des micro-organismes. 

La dégradation des matières produit du biogaz, qui est un mélange de gaz (essentiellement 60% de méthane et 40% de CO2), ainsi qu’un digestat. Après purification, le biogaz devient du biométhane, qui peut être injecté dans le même réseau que le gaz naturel pour ensuite être utilisé pour le chauffage ou dans le transport.

Le bioGNV est transporté via le réseau de gaz existant jusqu’aux stations d’avitaillement où il est utilisé comme carburant pour les véhicules. A ce jour, on compte en France 185 stations qui proposent du bioGNV.

Pourquoi le bioGNV constitue-t-il une alternative intéressante pour la décarbonation du transport ?

Le bioGNV permet de diminuer fortement les émissions de gaz à effet de serre, ce qui permet de répondre aux objectifs de la Loi relative à la Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV) de 2015, qui fixe entre autres les objectifs suivants à horizon 2030 :

  • Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40% (référence 1990)
  • Utiliser 15% d’énergies renouvelables dans les transports

Selon une étude de l’ADEME (agence de la transition écologique) datant de 2011, la méthodologie d’Analyse de Cycle de Vie (ACV) permet d’établir que l’utilisation du bioGNV en remplacement du Diesel permet de réduire de 80% les émissions de gaz à effet de serre.

Une étude menée par l’IFPEN en 2019, analyse, elle, le cycle de vie des véhicules utilitaires légers alimentés par différentes sources d’énergie. Elle démontre que les véhicules thermiques alimentés au bioGNV obtiennent un très bon résultat en matière d’émissions de gaz à effet de serre (ici exprimées en grammes équivalents CO2 par tonne transportée par km parcouru). En effet, selon l’étude, le véhicule utilitaire léger (VUL) thermique alimenté exclusivement au bioGNV serait classé en premier, suivi du véhicule hybride rechargeable fonctionnant exclusivement à l’électrique (cas théorique difficilement applicable en pratique, surtout sur des longues distances), et du véhicule électrique.

Le bilan carbone du véhicule utilitaire électrique est en effet pénalisé par la fabrication de sa batterie, qui est l’étape la plus émettrice de son cycle de vie. Notons tout de même que le bilan environnemental complet du véhicule utilitaire électrique dépend fortement de la source de production (renouvelable ou fossile) de l’électricité du pays dans lequel il roule.

Graphique comparatif des émissions de gaz à effet de serre pour différents types de véhicules utilitaires légers (IFP Energies Nouvelles)

Au-delà de son très bon bilan carbone, le bioGNV est un carburant durableEn somme, le bioGNV constitue donc une excellente alternative aux carburants traditionnels, tant sur l’aspect carbone que sur les autres impacts environnementaux du carburant.

 

Où en est la France ?

Des orientations politiques en faveur du développement du bioGNV

En France, il existe une volonté gouvernementale de développer le bioGNV dans le secteur du transport. Entre autres, la loi LOM (Loi d’Orientation des Mobilités) de 2019 prévoit d’accélérer la croissance de la filière. Celle-ci stipule le développement des ZFE (zones à faibles émissions), dans lesquelles seules certaines catégories de véhicules considérés comme « propres » sont autorisées à rouler lors de pics de pollution. Dans cette dynamique, les véhicules au bioGNV bénéficient d’avantages relatifs aux conditions de circulation et de stationnement.  

Des coûts avantageux avec des aides à l’achat

Sur le plan économique, le bioGNV est plutôt avantageux. L’AFGNV (Association Française du Gaz Naturel Véhicule) estime qu’un fourgon au bioGNV coûte en moyenne 35 000 euros, contre 53 000 euros pour un fourgon électrique. De plus, le premier disposerait d’une autonomie de 350 km contre 150 km pour le second. Pour ces raisons, plusieurs régions en France mettent en place des bus au GNV/bioGNV. Pour renouveler ses flottes de bus diesel, la RATP prévoit d’ici 2025 une majorité de bus roulant au bioGNV en Ile-de-France, alors que le projet misait initialement sur les motorisations électriques.

Par ailleurs, plusieurs aides locales et régionales sont mises en place sur le territoire français pour l’acquisition d’un véhicule bioGNV. Les critères de ces aides varient en fonction des villes et régions. A titre d’exemple, en Nouvelle Aquitaine, les PME ayant une flotte de véhicules lourds (>3,5 tonnes), qui s’engagent à s’approvisionner à minima pour trois ans en BioGNV sur l’une des stations du territoire, se voient octroyer une aide couvrant jusqu’à 50% du surcoût par rapport à un véhicule diesel.

Quelques chiffres sur la situation en France

Aujourd’hui en France, plus de 200 sites de méthanisation injectent du biométhane dans les réseaux de gaz.

Depuis 2014, le taux d’incorporation de bioGNV dans la consommation française de GNV a connu une forte augmentation passant de 0,6% à 17,5% en 2020. La filière prévoit une forte croissance de ce pourcentage pour atteindre 100% en 2050.

Graphique de l’évolution de la part de bioGNC dans la consommation annuelle française de GNV (AFGNV)

Ici le BioGNC correspond à la forme comprimée du carburant qui est la plus répandue et utilisée dans le transport.

Un des principaux enjeux de la filière est le déploiement des stations d’avitaillement en GNV/bioGNV. L’AFGNV compte en août 2020, 149 stations d’avitaillement en service en France, chiffre appelé à évoluer avec les projets en cours pour atteindre 235 stations d’avitaillement fin août 2021. Par ailleurs, la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie) prévoit plus de 300 stations rentables en 2023.

Des freins au développement de la filière

Le principal frein au développement de la filière bioGNV est commun à l’ensemble de la filière biogaz, il s’agit du délai d’installation et de mise en service des projets d’injection. Un projet d’injection met en moyenne 4 ans pour se concrétiser en raison de la complexité des démarches administratives nécessaires (jusqu’à près de 2 ans pour évaluer un dossier projet, et en cas d’opposition locale du projet, un retard de 3 à 6 ans peut être envisagé pour son aboutissement). Ceci ralentit considérablement le développement de la filière.

Par ailleurs, la réglementation liée aux installations de GNV/bioGNV est restrictive pour les particuliers, car elle empêche notamment l’installation de mini-stations à domicile. En effet, les installations de compression chez le particulier ne peuvent excéder 4 bars, alors que le GNV/bioGNV doit être comprimé à 200 bars. L’installation d’infrastructures bioGNV ne s’adresse donc qu’aux entreprises ou collectivités qui peuvent construire leur propre station.

Où en sont les autres pays d’Europe ?

En 2020, la NGVA Europe, l’Association Européenne des véhicules au gaz naturel estime que le biogaz représente en moyenne 17% de la consommation européenne de GNV.

Carte indiquant pays par pays en Europe la part de gaz renouvelable dans le secteur du transport en 2020 (NGVA)

Ce pourcentage, représentant la part de gaz renouvelable dans le gaz utilisé dans le secteur du transport, varie fortement en fonction des pays. Alors que la France se situe à la moyenne de 17%, les pays Nord-Européens ont déjà atteint des taux d’utilisation du bioGNV élevés, en particulier le Danemark, l’Islande et la Suède. Plus bas dans le classement, on trouve l’Allemagne avec une moyenne à 50% et l’Italie, qui malgré son titre de premier marché européen de GNV, affiche un taux à 9% seulement de bioGNV.

Comment expliquer ces écarts importants en Europe ?

Les pays en tête du classement mènent des politiques ambitieuses et de longue date pour favoriser le développement de la filière. En 2017, le gouvernement norvégien a annoncé son engagement à éliminer totalement les carburants fossiles du secteur du transport d’ici 2030, tandis que cet objectif est visé pour 2050 par la France. En Suède, dès 2013, le bioGNV était déjà placé au centre de la politique de mobilité du pays, avec plus de 60% des véhicules suédois roulant au GNV/bioGNV.

L’utilisation de véhicules au bioGNV y est notamment favorisée par la mise en place de réductions fiscales pour les flottes d’entreprises roulant au bioGNV, et pour la conversion de flottes municipales (bus ou transports régionaux par exemple). Il existe également certains avantages pour les usagers tels que l’instauration de files prioritaires pour les taxis bioGNV.

Un potentiel de développement important en Europe

En Europe, le potentiel de production de bioGNV est conséquent : une étude du CERRE (Centre de réglementation en Europe) estime un potentiel de production de 124 milliards de m3 de gaz renouvelable dans l’Union Européenne. En comparaison, la NGVA Europe estime que 9 milliards de m3 de gaz renouvelable seraient nécessaires pour alimenter les 13 millions de véhicules européens qui fonctionneront au gaz d’ici 2030.

Néanmoins, la marche pour que ce potentiel soit réellement exploité est encore grande. Les ambitions politiques et industrielles de l’ensemble des pays de l’UE doivent pour cela s’orienter en faveur du développement de la filière du bioGNV et plus largement du biogaz. En effet, l’alimentation en bioGNV des 13 millions de véhicules européens ne se fera pas sans l’augmentation de la production de biométhane et donc de bioGNV, et le développement des infrastructures d’avitaillement.

 

Lina DEBBI

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